samedi 5 décembre 2009

Réforme LMD: Les universitaires font le point de la situation


Après une certaine éclipse, sans doute en rapport avec la déception et la frustration légitimes qu’ont ressenties les universitaires après la fin en queue de poisson de leur long combat pour des augmentations spécifiques, la Fédération Générale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (FGESRS) revient sur le devant de la scène en lançant le débat – fondamental – sur l’évaluation de la mise œuvre du système LMD en Tunisie, trois ans après son lancement. A cette fin, elle a organisé, mercredi 2 décembre dernier, à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de Tunis, un séminaire intitulé une Evaluation préliminaire du système LMD, qui s’est proposé de réfléchir sur les expériences française, marocaine et algérienne en la matière et d’analyser les résultats d’une enquête qui a été menée auprès d’un large échantillon d’universitaires pour mettre en lumière la perception qu’ont les principaux acteurs de cette réforme de l’enseignement supérieur et de ses premiers effets.

Ainsi, un des résultats les plus intéressants de cette enquête, menée selon une approche rigoureuse et fondée sur les réponses anonymes à un questionnaire détaillé, est que la majorité des universitaires avouent une connaissance insuffisante de la réforme – y compris, mais dans une moindre mesure, heureusement, ceux d’entre eux qui appartiennent à des structures représentatives ! Outre ce problème de connaissance de la réforme, les résultats de l’enquête mettent en exergue le manque de concertation dans son application. Enfin, la plupart des enquêtés soulignent l’insuffisante diversification à laquelle a donné lieu la réforme sous nos cieux et l’absence de la dimension – essentielle – du tutorat dans la version tunisienne.

Cette dernière semble avoir réduit la vocation du système LMD à la professionnalisation des formations du supérieur, comme le montre l’interprétation maximaliste de la répartition des formations dont les deux tiers sont dévolus aux licences professionnelles. Or, c’est cette lecture radicale qui a mené à la suppression, dans certaines universités, de licences fondamentales (comme la sociologie ou le Français) et à la fusion d’autres (l’histoire et la géographie) au grand dam des enseignants - chercheurs dans ces disciplines. Cette « épuration » qui a frappé de plein fouet les humanités a poussé les participants au séminaire à faire état de leurs inquiétudes quant au déficit de culture générale et, donc, d’esprit critique qu’une telle approche pourrait provoquer chez nos étudiants qui, selon des membres du syndicat estudiantin ayant apporté leur témoignage, sont surchargés de travail et complètement déboussolés par la réforme.

Toutefois, l’expérience française, présentée par Jacques Degouys du SNESUP France, incite à un peu d’optimisme. Car, outre-mer, les universitaires ont su, à la longue, passer d’un LMD1 à un LMD2 et rectifier le tir en convainquant leur ministère de sauver les formations fondamentales et de ne pas tomber dans le « tout professionnel ». De même, Mme Nabila Mounib du SNESUP Maroc a affirmé que, chez elle, et malgré plusieurs reproches qu’on peut lui adresser, la réforme n’a pas donné lieu à la suppression des matières de culture générale.

Ainsi, et comme il l’a affirmé depuis février 2006, le syndicat des universitaires n’est pas contre la réforme LMD – qui peut, au contraire, être une chance à saisir pour améliorer la qualité notre enseignement supérieur – mais il est très critique quant à son interprétation par l’autorité de tutelle et par la manière dont elle est appliquée. Les universitaires montrent, encore une fois, qu’ils veulent participer à l’immense chantier de la réforme et qu’ils représentent une véritable force de proposition qui ne demande qu’à être écoutée.

En tout cas, le syndicat des universitaires aura eu le mérite de lancer, de manière rigoureuse, le débat sur la question cruciale de la formation de nos étudiants à l’heure où, partout dans le monde, on parle d’économie du savoir et d’investissement dans le capital humain. Nous espérons que cet appel sera entendu et que ce débat ne se limitera pas aux enceintes de l’université pour occuper, comme il le mérite, la scène médiatique nationale.

I. K.

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