lundi 16 août 2010

A un ami israélien de Régis Debray. Ou comment dire - gentiment - ses quatre vérités Israël

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Le dernier livre du philosophe Régis Debray ne devrait pas échapper à l’attention de toute personne s’intéressant au conflit du Proche-Orient. Il constitue à notre avis une véritable bouffée d’oxygène tant le propos est neuf, courageux et intelligent. Il s’avère désormais incontournable pour qui veut saisir les données mentales – poétiques selon les termes de l’auteur – du blocage du processus de paix dans la région.

«Peut-on critiquer Israël?», s’interrogeait, il y a quelque temps déjà, Pascal Boniface. La question ne manque pas de pertinence tant le climat intellectuel en France est peu propice à ce genre d’exercice périlleux. L’auteur en est conscient qui écrit dès les premières lignes: «Je suis sûr, en abordant cette rive bardée d’écueils, de me brouiller avec la moitié plus un de mes amis. Il se trouve simplement qu’un Gentil se sent les coudées plus franches avec un juif d’Israël...». Ce livre se veut en effet une réponse, dans un style épistolaire, aux idées développées par l’historien israélien Elie Barnavi dans Aujourd’hui ou peut-être jamais qui aborde les difficultés du processus de paix. Là est le prétexte. On ne peut s’empêcher de penser toutefois que la véritable motivation de l’écriture, Debray l’ait trouvée dans la récente guerre contre Gaza, avec le déchaînement d’une violence disproportionnée et le dévoilement de l’arrogance et du cynisme israéliens.

L’essence du message envoyé par Debray à Barnavi est que si le processus de paix est bloqué, c’est à cause d’Israël et uniquement lui. Et, partant, il ne sert à rien de s’attendre à une hypothétique solution venant des Etats-Unis et de leur homme providentiel: Obama. Si le statu quo perdure, c’est que Israël le veut. Ni l’Europe, paralysée par la mémoire de l’Holocauste, ni les Etats-Unis dont l’alliance avec son «frère aîné» est «consubstantielle, subliminale et sous-cutanée» ne peuvent faire plus: s’inquiéter, regretter ou s’indigner, mais jamais sanctionner les enfreintes au droit international et aux résolutions de l’ONU. Néanmoins, ce n’est pas le message en lui-même qui fait tout l’intérêt du livre. Loin de là. Car, tout au long de chapitres fort édifiants (du sionisme; de l’antisémitisme; de la Shoah, aujourd’hui; d’un danger d’autisme; du nouveau monde; des deux Israël), l’auteur, servi par une grande culture philosophique, politique et historique, met au jour les dérives et les abus dont est coupable Israël et démonte minutieusement tout l’édifice intellectuel qui permet son impunité ad vitam aeternam. Bref, il lui dit gentiment – il se présente comme philosioniste – ses quatre vérités!

Ainsi, au fil des pages, le lecteur découvre avec un grand plaisir intellectuel des analyses plus percutantes les unes que les autres: Le XXème siècle, nous dit Debray, est celui de la persistance des images rétiniennes qui a un effet pervers «Superposer le rescapé de 1945 au Robocop de 2010 nous fait admettre le camp de réfugiés d’aujourd’hui au nom des camps de concentration d’hier». Concernant, les cris récurrents sur le retournement de l’opinion et le retour en force de l’antisémitisme en France, il assène: c’est prendre vos désirs pour la réalité et rappelle que «La seule phobie, aujourd’hui enracinée en France ... stigmatise les minarets, non les synagogues». Mieux, il démontre que, aujourd’hui, Le juif français est le chouchou de la République.

Tout un chapitre est consacré à la «Shoah», sa présence et à son statut dans l’Europe contemporaine. Ici aussi, le propos est incisif: «la mémoire a ses assassins, écrit-il, elle a aussi ses envoûtés» et, plus loin, «La tragédie du Proche-Orient, c’est que la rue arabe est aveugle à la Shoah, tandis que la rue juive – la nôtre aussi – est aveuglée par la Shoah». Cependant, les liens avec l’Amérique dépassent la question de l’Holocauste. Ils sont beaucoup plus profonds. Ils relèvent de l’ordre mental, du rapport imaginaire au monde: les mêmes références à la Bible, la même quête de la Terre Promise, la même glorification du colon. Ce qui fait dire à Debray: «Vous êtes l’archétype et eux la copie ... L’Amérique, c’est un grand Israël qui a réussi. Israël est une petite Amérique qui est à la peine». On ne peut être impartial

quand il s’agit de son frère aîné... Mais Debray est beaucoup plus dur avec Israël quand il s’agit d’évoquer son arrogance et ses comportements d’enfant gâté. Ses analyses sont ici tirées aussi de ses expériences sur le terrain des humiliations quotidiennes que subissent, notamment aux check points, les Palestiniens et tous ceux qui n’ont pas l’heur de plaire aux «maîtres des lieux». Ainsi, assène-t-il à son ami historien: «Vous avez un problème avec l’Autre. Le vrai, pas celui, à majuscule, des colloques sur Lévinas. Le minuscule qu’on ne choisit pas, celui qui vous emmerde, mais qui est à côté». On le soupçonnait depuis longtemps: pour pouvoir dire la vérité sur le conflit du Proche- Orient, il faut de l’intelligence et du courage. Dans ce livre, Debray a fait preuve des deux. Toutes proportions gardées, de même que dans la période sombre du nazisme, il y eut des justes pour penser et agir, au péril de leurs vies, selon leur conscience, notre époque a elle aussi besoin de justes qui prennent le risque de dire certaines vérités à propos du Proche- Orient. Puissent-ils être plus nombreux et mieux écoutés...

Baccar Gherib (Attariq Aljadid, n°190)

samedi 26 juin 2010

Entrepreneurs, régionalisme et politique


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Les recherches et les ouvrages sur les classes sociales, les groupes sociaux ou catégories socioprofessionnelles sont, en Tunisie, assez rares. C’est comme si, consciemment ou inconsciemment, on cherchait, même dans le monde académique, à ignorer les divisions, les stratifications et différences sociales, à exorciser le démon des classes et leurs luttes potentielles, en intégrant, indistinctement, l’écrasante majorité de la population tunisienne dans une seule et même classe fourre-tout : la fameuse classe moyenne ! Et c’est pour cette raison qu’on doit saluer toute étude qui se propose d’enrichir notre connaissance de notre propre société, en présentant aux universitaires, mais aussi à un public plus large, les résultats d’une recherche sur un groupe social spécifique. Il s’agit, ici, de l’ouvrage du sociologue Rabah Nabli sur les entrepreneurs tunisiens, paru récemment aux éditions l’Harmattan.

Cette étude a l’ambition de construire l’idéal-type de l’entrepreneur tunisien, à travers des entretiens menés avec plusieurs hommes d’affaires qui ont été invités à répondre à une série de questions se rapportant à la création de leur entreprise, à leur trajectoire, à leur formation, aux relations de travail, à l’entreprise familiale, aux rapports à l’État et à l’Administration, à la mondialisation, à la concurrence et à l’appartenance régionale… Or, si ces entretiens – qui sont autant de témoignages, de trajectoires ou de parcours individuels, de «success-stories»… – représentent une véritable mine d’informations pour qui s’intéresse au patronat tunisien, notamment sur les valeurs que celui-ci porte, la rationalité qu’il incarne et sur ses rapports à la classe dirigeante, il n’en demeure pas moins que les principales thèses que l’auteur a voulu en extraire apparaissent comme scientifiquement légères et, partant, peu convaincantes…

En effet, on reste sur notre faim pour l’essentiel, et ce pour différentes raisons.

D’abord, parce que le livre n’a pas levé une ambiguïté fondamentale: l’émergence difficile d’un acteur social, dont il est fait état dans le titre, est-elle celle d’un groupe social – le patronat – ou bien celle de la figure de l’entrepreneur individuel ? D’autant plus que l’on remarque l’absence d’intérêt pour l’organisation patronale, si ce n’est à travers l’interview de son président en exercice. Ensuite, parce qu’il y a d’évidentes hésitations concernant l’arrière-plan méthodologique de la recherche. Et, enfin, parce que les trois hypothèses énoncées concernant les différents profils de l’entreprenariat tunisien ne sont pas véritablement testées ni, donc, démontrées. Les hésitations méthodologiques et la légèreté conceptuelle ne favorisent nullement, en effet, un traitement théorique rigoureux de la problématique posée.

Une lecture régionaliste de l’entreprenariat tunisien

Ainsi, et même si au bout d’un long passage en revue des principaux courants sociologiques, l’auteur semble pencher pour l’interactionnisme et l’anthropologie économique, dans le sillage des travaux sur l’ethno-industrialisation d’un P. Denieuil, nous retrouvons, dans son texte, plusieurs concepts qui trouvent leurs sources dans d’autres traditions intellectuelles, notamment le marxisme. On y rencontre, par exemple, au détour d’une phrase, les notions d’exploitation, de formation sociale et de classe dominante (à laquelle est opposée la « classe pauvre ») ! Par ailleurs, d’autres concepts sont utilisés sans qu’ils soient définis ni rapportés à la théorie où ils trouvent leur sens : c’est le cas, entre autres, de nouvelle petite bourgeoisie, d’autogestion ou de technostructure.

Néanmoins, et au delà de ces incohérences méthodologiques, ce qui pose vraiment problème dans l’investigation menée par Rabah Nabli sur les figures de l’entrepreneur tunisien, c’est l’absence de distance par rapport à des croyances et des affirmations du sens commun, ou même de préjugés fortement empreints de régionalisme.

Ceci est perceptible dans les trois hypothèses fondamentales qui structurent tout son ouvrage. La première hypothèse stipule que, étant donné certaines spécificités, comme une forte tradition commerciale, la mainmise de la communauté sur l’individu, la force et l’extension du réseau communautaire et l’endogamie…, Sfax et Djerba apparaissent particulièrement génératrices d’initiative privée. La deuxième hypothèse soutient qu’étant donné sa proximité de la classe dirigeante depuis l’indépendance, le Sahel produit un entreprenariat adossé au politique, qui le protège. Il serait, pour cela même, moins compétent que l’entreprenariat sfaxien ou djerbien. La troisième figure de l’entreprenariat serait celle du «Tunisois», qui ne bénéficierait, lui, ni de la complicité du politique, ni du soutien de la communauté ou de la famille. Tunis est, en effet, décrit comme une ville «cosmopolite» (entendre : regroupant des habitants d’origines régionales diverses), largement affectée par la «modernité» et l’«individualisme».

Dès lors, outre le fait que ces trois hypothèses ne sont pas rigoureusement interrogées et mises à l’épreuve, on remarque que l’ouvrage débouche sur un paradoxe intéressant: c’est la sauvegarde d’importants traits de la société traditionnelle dans certaines régions qui serait à l’origine de leur réussite économique. À le suivre, en effet, les sociétés sfaxienne et djerbienne ont réussi à prospérer dans le champ économique parce qu’elles ont pu résister à la destruction sociale et familiale amenée par la modernité et préserver un fort sentiment communautaire. À la limite, on a envie de célébrer l’endogamie qui y a encore cours !

À cette complaisance vis-à-vis de certains traits de la tradition, s’ajoute l’absence de distance critique par rapport à des thématiques régionalistes, comme le mythe de la «sfaxité» ou celui de la lutte ou de l’opposition entre régions. En effet, présentant la société tunisienne, l’auteur n’hésite pas à affirmer: «Le régionalisme est très fort et le Sahel et Sfax en constituent deux pôles diamétralement opposés»!!

À l’image de la distinction marxiste entre classe en soi et classe pour soi, M. Camau et V. Geisser évoquent, à propos de la Tunisie, la distinction régionalisme en soi et régionalisme pour soi… Si la première notion renvoie au développement inégal entre régions – qui est un fait matériel pouvant être expliqué – la deuxième, elle, renvoie à des préjugés et à des pratiques et stratégies collectives visant à défendre les intérêts d’une région par rapport à d’autres, dans une hypothétique concurrence entre régions (1) … L’affirmation citée plus haut renvoie ainsi clairement à un régionalisme pour soi.

Néanmoins, malgré ces incohérences et ces faiblesses dans le traitement de la question de l’entreprenariat tunisien, l’ouvrage recèle un intérêt certain, à travers le corpus de témoignages d’entrepreneurs de tout le pays. Ces entretiens représentent, en effet, une matière première à partir de laquelle on pourrait tirer des enseignements concernant divers positionnements des entrepreneurs, notamment par rapport au pouvoir politique.

L’ambivalence des entrepreneurs par rapport à l’État

En règle générale, les entretiens trahissent chez les entrepreneurs tunisiens un conservatisme certain, voire, parfois, de l’archaïsme. Ainsi, nous y rencontrons souvent des aveux du type : « tous les associés sont de ma famille » ou bien une attitude foncièrement paternaliste vis-à-vis des employés. L’auteur n’hésite pas à parler, à ce niveau et à d’autres, de « mode rural de gestion ».

Mais c’est sur un autre registre que les entretiens donnent au lecteur un éclairage encore plus intéressant : celui du rapport des entrepreneurs à l’État. Ils peuvent ainsi expliquer, dans une certaine mesure, la stagnation, voire le recul de l’investissement privé dont souffre l’économie tunisienne depuis le début des années 2000. Ces rapports apparaissent en fait comme foncièrement ambivalents : on recherche l’impulsion, l’aide et la protection de l’État et, dans le même temps, on conteste et on regrette son interventionnisme, ses abus, voire son instrumentalisation de l’économie.

Ainsi, plusieurs entrepreneurs reconnaissent le rôle fondamental joué par l’État dans l’émergence et le développement du secteur privé durant les années soixante-dix, allant parfois jusqu’à assimiler cette période à un «âge d’or du capitalisme tunisien». Mais ils estiment aussi que l’État reste une «source de nuisances». Or, comme on va le voir, les reproches formulés par les entrepreneurs à l’égard de l’action étatique vont au delà de la condamnation de la simple nuisance. Le jugement des entrepreneurs sur l’action de la classe dirigeante depuis l’indépendance est en effet beaucoup plus sévère: «Les entretiens révèlent que les élites au pouvoir depuis l’indépendance du pays continuent de manipuler l’économie à des fins politiques, cette manipulation casse les ressorts de la croissance et interdit tout processus d’accumulation» (p.185). (2)

Ce qui est remarquable dans ce jugement, qui met le doigt sur les questions clés du clientélisme, du contrôle politique et de l’allégeance, c’est qu’il ne fait pas la distinction entre une phase dirigiste où l’économie aurait été sous la domination du politique et une phase libérale où elle s’en serait libérée. Ainsi, l’un des entrepreneurs interrogés relève-t-il que «L’avènement du PAS (Plan d’Ajustement Structurel) en 86 n’a pas empêché cette tendance à la centralisation de rester telle quelle…» (p.241). L’auteur lui-même en arrive à souligner que : « Loin de mettre en danger les relations anciennes entre le secteur public et le secteur privé, le processus de privatisation et de libéralisation leur a ouvert de nouvelles possibilités de coopération et a, en même temps, procuré au régime de nouvelles occasions de népotisme » (p.235). La lucidité des entrepreneurs tunisiens à propos du lien entre économie et politique explique, en effet, cette terrible sentence de l’un d’eux : «En Tunisie, Socialisme et Libéralisme sont des étiquettes qui n’ont pas de grande signification, puisque c’est le même système de contrôle des individus» qui est toujours à l’œuvre (p.254).

C’est donc la poursuite depuis l’indépendance de cette politique clientéliste à l’égard du patronat et, surtout, son approfondissement récent qui expliqueraient l’actuel climat des affaires en Tunisie. Celui-ci serait à l’origine de divers phénomènes mentionnés par les enquêtés, tels que la «grève de l’investissement», la peur de l’épée de Damoclès de la «répression fiscale», l’évitement de la visibilité à cause de la «vulnérabilité du puissant» ou bien la recherche «d’internationalisation comme réaction aux immixtions du pouvoir central et en vue de se prémunir de l’appétit grandissant de certains affairistes»!!

Cependant, malgré ce diagnostic lucide, qui met clairement en cause la politique, les entrepreneurs ne sont pas politisés (p.255). Il y a là une apparente contradiction entre la revendication d’une meilleure gouvernance économique et… l’attentisme. Il faut croire aussi que le représentant des intérêts du patronat est incapable, sur ce point, de prendre en charge les revendications de ses adhérents. D’abord, parce que, ainsi que l’affirment de jeunes entrepreneurs, «Le milieu des affaires favorise un entreprenariat très dépendant des initiatives institutionnelles et politico-économiques…» (p.407). Mais, surtout sans doute, parce que le syndicat des patrons est une partie prenante dans la relation clientéliste.

Les entrepreneurs tunisiens sont conscients des limites et des dangers que fait peser sur eux cette relation clientéliste au pouvoir politique. Mais il ne faut pas se leurrer : « ils ne prendront jamais le maquis », ainsi que l’a affirmé, à leur propos, Béatrice Hibou, dans un article récent (3). Ils demeurent englués dans des stratégies individualistes et n’aspirent pas à une action collective! Et, de ce dernier point de vue, leur émergence en tant qu’acteur social s’avère, il est vrai, bien difficile…

(1) M. Camau et V. Geisser, Le syndrome autoritaire en Tunisie; De Bourguiba à Ben Ali, Presses Sciences-Po, 2003.
(2) Ici, l’auteur reprend, hélas sans le citer, une définition du clientélisme par Aziz Krichen, dans son ouvrage qui reste d’actualité, Le Syndrome Bourguiba, Ceres, 1992 (p177).
(3) Béatrice Hibou, «Nous ne prendrons jamais le maquis» : Entrepreneurs et politique en Tunisie, Politix, 2008.

Baccar Gherib

Rabah Nabli, Les entrepreneurs tunisiens. La difficile émergence d’un nouvel acteur social, L’Harmattan, 2008.

mardi 1 juin 2010

تنظيم مسيرة سلمية بالعاصمة


على إثر العدوان الإسرائيلي على "أسطول الحرية" وما خلّفه من قتلى وجرحى في صفوف أنصار السلام ومناهضي الحصار الظالم على غزّة، ونظرا للصبغة الاستثنائية للوضع، فإن أحزاب: حركة التجديد والتكتل الديمقراطي من اجل العمل و الحريّات و الحزب الديمقراطي التقدمي تقدّمت بإعلام السلطة بعزمها تنظيم مسيرة سلمية بالعاصمة للتنديد بهذه الجريمة والتعبير عن التضامن مع الشعب الفلسطيني ومناصري قضيته العادلة،و وافقت السلطة عليها، وذلك يوم الثلاثاء 01 جوان 2010 من الساعة السادسة إلى الساعة السابعة مساء انطلاقا من نهج روما فشارع الحبيب ثامر وساحة الجمهورية فشارع جان جوراس انتهاء بساحة 7 نوفمبر.

وانطلاقا من مسؤولياتها الوطنية فإن الأحزاب المعنية تؤكد عزمها على أن تلتزم هذه المسيرة بأهدافها التي هي محل إجماع لكامل الشعب التونسي بكل أطيافه. 

Un crime d'un type nouveau: le crime contre la sécurité économique du pays

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Le conseil des ministres a examiné, la semaine dernière, un projet de loi devant être très rapidement soumis à la chambre des députés pénalisant les atteintes à la "sécurité économique" du pays.
Selon des "sources bien informées", ces atteintes à la sécurité économique du pays comportent "l'implication dans des actions pouvant porter préjudice aux intérêts du pays comme l'incitation au boycottage d'organismes touristiques tunisiens ou l'opposition à voir la Tunisie accéder au statut de partenaire avancé de l'Union européenne ainsi que d'autres actions de nature aux intérêts de millions de Tunisiens...".
Ce projet de loi ouvre la porte à la criminalisation, non seulement, de tout le travail des organisations de défense des droits humains, mais de toute analyse, toute déclaration, toute action qui n'aurait pas l'heur de plaire au régime en place. Quel regard défavorable au pouvoir ne serait pas de nature à nuire aux intérêts économiques, à la "sécurité économique" du pays?
Derrière cette loi, il y a une réduction de la Tunisie au seul pouvoir en place, une assimilation de la dénonciation de ses atteintes aux libertés à une atteinte à la sécurité du pays. Il y a bien longtemps que cette vision n'a plus cours de par le monde: tous les comités des droits de l'homme des nations unies, qu'ils portent sur les droits civils et politiques ou sur les droits économiques, sociaux et culturels, ou sur les droits de catégories déterminées (enfants, femmes, etc...),, n'engagent pas les seuls rapports des Etats; ils examinent également les contre-rapports présentés par les organisations de la société civile, parce que ces derniers, par l'éclairage spécifique qu'ils présentent, sont considérés comme une contribution précieuse à la recherche de la vérité et à l'avenir des pays concernés. C'est de cette façon aussi que fonctionnent d'autres organisations intergouvernementales, y compris l'Union européenne.
Les organisations nationales et internationales de défense des droits humains ne font qu'accomplir leur devoir, assumer la fonction pour laquelle elles ont été créées en rendant publiques les informations qu'elles détiennent sur la situation qui prévaut dans leur pays et en exerçant des pressions pour que les droits humains soient respectés. La criminalisation de leur action par l'esprit de ce projet de loi est inadmissible dans son principe; elle est contreproductive pour l'intérêt bien compris du pays et pour sa diplomatie. La meilleure réponse, c'est l'ouverture du champ des libertés qu'elles défendent et dont notre pays a un profond besoin. Le meilleur moyen de protéger la "sécurité économique" de la Tunisie, c'est de restituer à notre pays l'image qui doit être la sienne et qui doit faire sa fierté: celle d'un pays où les citoyens sont dignes et libres, où le pouvoir est le garant de leurs droits fondamentaux.
Une seule question peut faire controverse: savoir s'il faut appeler l'Union européenne à exiger des réformes politiques comme préalable à l'octroi du statut avancé à la Tunisie ou simplement porter à son attention les faits qui caractérisent la situation des droits humains dans notre pays. En ce qui nous concerne, nous ne sommes en faveur ni des boycotts ni de la conditionnalité. Notre attachement aux intérêts supérieurs du pays est bien connu; il est d'ailleurs l'objet d'un consensus national profond qui ne saurait être l'objet d'aucune surenchère. L'accession de la Tunisie au statut avancé est de nature à servir ses intérêts. Elle les servirait encore mieux si elle était accompagnée par une véritable démocratisation, elle aussi objet d'une profonde aspiration de tout notre peuple.
Ni nos pouvoirs publics, ni notre pays n'ont quoi que ce soit à gagner de ce projet de loi. Ce qui fera de nous tous des gagnants, c'est l'organisation urgente d'un vrai dialogue national et non la poursuite de la fermeture et du recours à l'intimidation.
ATTARIQ ALJADID

lundi 31 mai 2010

بلاغ صحفي

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تونس في 31 ماي 2010

بلاغ صحفي

              أقدمت القوات العسكرية الإسرائيلية فجر اليوم على القيام بمهمة إنزال ضدّ "أسطول الحرية" المحمل بمساعدات رمزية للشعب الفلسطيني الرازح تحت الحصار الظالم منذ أربع سنوات.
وقد أفضت هذه العملية الوحشية إلى سقوط قرابة العشرين قتيلا وعشرات الجرحى في صفوف المدنيين العزل ونشطاء السلام العادل والتضامن الإنساني الذين كانوا على متن هذه السفن.
              وحركة التجديد إذ تشجب بشدّة هذا العدوان الهمجي الذي يفضح عربدة إسرائيل واستهتارها بأبسط القوانين الدولية والقيم الإنسانية، فإنها تدعو كافة القوى الوطنية إلى الوقوف صفّا واحدا للتعبير عن سخطها على هذه الجريمة النكراء، كما تدعو السّلط العمومية إلى تمكين الشعب التونسي بجميع فئاته من ممارسة حقه في التعبير عن تضامنه مع الشعب الفلسطيني ومناصري قضيته العادلة بكافة الطرق المشروعة بما فيها تنظيم المسيرات السلمية.

عن حركة التجديد
الأمين الأول
أحمد إبراهيم

samedi 29 mai 2010

Mobilisation contre la censure sur Internet: De l’officiel, du virtuel et du réel

[Blog visible sur https://sbo3343ammar.appspot.com/ahbebattariq.blogspot.com/]. L’appel à manifester contre la censure sur Internet, samedi dernier, devant le Ministère des technologies de la communication, lancé par de jeunes internautes tunisiens et ses retombées, représente incontestablement un événement politique inédit qui mérite toute l’attention. En effet, non seulement cet événement illustre les potentialités – et les limites – du champ virtuel dans le paysage tunisien, mais il agit aussi comme révélateur des logiques profondes du système médiatico-politique du pays, le virtuel y jouant le rôle d’un trublion entre le pays officiel et le pays réel.

Que reproche-t-on, au fond, à ce nouvel espace hébergé par le net? Son principal tort n’est-il pas de mettre au jour une autre Tunisie, que ne reconnaît pas la Tunisie officielle, avec ses télés, ses radios et ses journaux? Celle des 80% de taux de participation aux élections, de la domination incontestée du Parti – État, de l’allégeance de toute la société civile, de «la qualité de vie», du «développement durable», de «l’excellence»… Bref, du «tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes»! Or, la Tunisie du virtuel met à mal la propagande et montre le profond hiatus séparant l’officiel du réel.

Le virtuel, à travers le réseau social de Facebook et la blogosphère, a fait émerger, en effet, une autre Tunisie, avec une majorité de jeunes farouchement attachés à leur liberté de penser, maniant admirablement l’esprit critique, irrespectueux de la langue de bois et ayant leur mot à dire sur des sujets aussi divers que l’économie, la société, la culture, la religion et la politique. C’est sans doute cette Tunisie, avec ses communautés naissantes, qui est apparue comme insupportable pour certains. La censure, de ce point de vue, en voulant bâillonner l’espace virtuel, n’est qu’une tentative désespérée de sauver la Tunisie officielle, de lui garder, au moins, une feuille de vigne.

Ce sont d’ailleurs les caractéristiques de cet espace virtuel qui expliquent le formidable élan de contestation de la censure. Cette fois, les jeunes internautes ne se sont pas contentés d’une riposte technique à la censure, en s’armant de proxys pour la contourner. Ils ont réagi en citoyens, en condamnant le principe même de la censure, qui les traite en mineurs et qui vise à les empêcher non seulement d’accéder à l’information, mais aussi de faire parvenir leurs idées et leurs réflexions à leurs concitoyens. Et la vague contestatrice a été d’une telle ampleur qu’elle a poussé deux éléments de la Tunisie officielle – un animateur radio et une animatrice télé – à essayer de surfer dessus. Cette vague a culminé dans la campagne «Ammar Seyyib Salah» sur Facebook et, surtout, dans l’appel à manifester pour le 22 mai dernier. Or, c’est justement quand elle a voulu descendre dans la rue que la citoyenneté virtuelle s’est heurtée à ses propres limites.

Le réel a, en effet, rattrapé les deux initiateurs de la manifestation et une journaliste - blogueuse, et de la plus triste des manières: une longue journée au poste de police, passée à raconter l’histoire de leur vie – depuis l’école primaire, selon l’aveu de l’un d’eux – et l’engagement à lancer un contre-appel, demandant à tous les facebookers anti-censure de ne pas aller manifester, le jour J. Par ailleurs, l’opération Tee-shirts blancs, prévue le jour même, sur l’avenue Habib Bourguiba et pour laquelle des centaines, voire des milliers de personnes se sont déclarées volontaires sur Facebook, n’a réussi à impliquer, en fin de compte, que quelques poignées d’internautes – dont beaucoup sont déjà engagés dans la société civile et politique indépendante du pouvoir – prêts à subir le harcèlement de forces de l’ordre, assez nerveuses. Cela confirme, si besoin était, que le réseau social virtuel est, quelque part, «menteur», en ce qu’il produit une véritable inflation d’engagement et de militantisme, l’anonymat que confèrent les pseudonymes facilitant courage et surenchère.

Telle est la principale leçon de ces dernières semaines: la jonction entre le virtuel et le réel n’est pas aussi simple qu’on le croyait. Néanmoins, et malgré ce semi-échec, la tentative de ces jeunes gens de transformer une mobilisation sur la toile en une mobilisation dans la rue est à saluer. C’est un baptême de feu, qui ouvre la porte de l’espoir: celle de l’engagement citoyen, pour une génération que certains considéraient comme irrémédiablement dépolitisée.

Baccar Gherib

vendredi 21 mai 2010

une 181 (en français)

Dans ce numéro, un retour sur les divers abus qui ont émaillé les dernières élections municipales, avec deux témoignages documentés sur Hammamet et La Chebba, et un suivi et une analyse de l'initiative citoyenne visant à manifester contre la censure sur Internet. Bonne lecture!

Manifestation contre la censure sur Internet: Ça bouge sur le front de la citoyenneté!

Avec l’appel à manifester ce samedi 22 mai à 15h devant le Ministère des technologies de la communication, le mouvement de révolte contre la censure sur Internet franchit, sans aucun doute, un palier. Car, cette fois, on passe d’un engagement virtuel à un engagement sur le terrain du réel. On ne se contente plus d’exprimer son ras-le-bol ou de montrer sa solidarité sur son blog ou sur sa page de Facebook, mais on revendique l’exercice d’un droit inscrit dans la Constitution: celui d’interpeller le gouvernement, de manifester pacifiquement sa colère dans les rues de Tunis – la rue d’Angleterre, plus précisément!
Mieux, les initiateurs de la manifestation, les jeunes Slim Amamou et Yacine Ayari, ont tenu à faire les choses dans les règles de l’art, c’est-à-dire dans le strict respect de la légalité. Ils ont essayé de déposer leur avis de manifestation au Ministère de l’Intérieur, où on les a dirigés vers le Gouvernorat de Tunis. Mais, étant donné l’absence du préposé aux affaires politiques, ils ont dû envoyer leur avis aussi bien au Gouvernorat qu’au Ministère de l’intérieur par lettre recommandée, avec accusé de réception. Tout en prenant la précaution d’en envoyer une copie à divers quotidiens et hebdomadaires tunisiens.
Quelle que soit l’issue de cette action, cet avis de manifestation publique mérite d’être souligné: même si, dans le cas d’espèce, il s’agit d’un engagement limité à la revendication d’un Internet  garantissant la liberté d’expression et le libre accès à l’information, on y décèle l’ébauche d’une lutte par des jeunes Tunisiens pour la conquête de leur citoyenneté. Car il y a là, d’abord, la ferme intension d’user d’un droit «accordé» jusque-là fort parcimonieusement et encore, seulement à l’occasion de guerres au Moyen-Orient, mais jamais pour des questions de politique intérieure! Ensuite, grâce aux abus de «Ammar-le censeur», il semble qu’une catégorie de nos jeunes- que d’aucuns considéraient comme irrémédiablement atteints par l’individualisme et l’opportunisme - découvre les bienfaits de l’action collective, et ce n’est pas la moindre des contributions de Ammar à la réanimation du front de la citoyenneté dans le pays!
Attariq Aljadid (n°181, du 22 au 28 mai)

dimanche 16 mai 2010

في قليبية: إسقاط غامض للقائمة المستقلّة



أقدمت مجموعة من مواطني قليبية من تجديديين ورابطيين ونقابيين ومستقلين على تشكيل قائمة مستقلة للانتخابات البلدية 2010، إيمانا منهم بحقهم في الإسهام في خدمة مدينتهم وممارسة حقهم في المواطنة وتأسيسا لثقافة الاختلاف والصوت الآخر، ولكن الإدارة، كما في 2005 بالضبط، اختارت أن تسقط القائمة بدون أي تبرير.
وقد وافانا أعضاء من هذه القائمة بالتوضيح التالي:
ما لاحظناه أن جميع الأطراف من تجمع وأمن ورأس مال تألبت ضدّ تقديم القائمة وبدا بما لا يدع أي مجال للشك أنها اتخذت قرار إسقاطها حتى قبل تقديمها رسميا. وذلك عبر:
*الضغط على بعض الأعضاء وتهديد أسرهم بسحب رخص مثلا وإغراء آخرين بعقود عمل وبوعود تشغيل لهم أو لزوجاتهم.
*ترويج الإشاعات من قبيل
- لا قانونية ترشيح شقيقين في قائمة واحدة.
- لا قانونية ترشح عون في القباضة المالية
- إسناد سوابق عدلية وهمية الى أحد الأعضاء.
- سحب واحد أو اثنين أو ثلاثة من أعضاء القائمة لنرشحاتهم ( علما بأننا غادرنا مقرّ المعتمدية بعد مضي أجل السحب)
وهذه كلها أباطيل يرمى بها الى التشكيك في المترشحين المستقلين للدفع الى إسقاطها وإيهام الناس بمشروعيته وللتحامل عليها وتشويهها إعدادا لإفشالها في صورة قبولها ، بمعنى استباق الحملة الانتخابية .
ولا تفسير لهذا التألّب الكبير والتحامل المسعور الاّ تخوّف تلك الجهات من القائمة المستقلة على أساس جدّيّة أعضائها وصدق إرادتهم وعلى ضوء ما نجم من استياء عامّ في قليبية حال ظهور أسماء أعضاء قائمة التجمع التي لم تقنع الأهالي، ممّا أدّى بالكثيرين حتى من التجمّعيين أنفسهم الى الإعلان الصريح عن نيّتهم التصويت للمستقلّة.
هذا وإن أعضاء هذه القائمة المستقلّة، بل ومن المواطنين، عموما يطالبون بحقهم في تلقّي ردّ رسمي ويعتبرون أن اقتصار معتمد المكان بالإعلام عبر الهاتف بقرار السقوط، والسكوت عن بيان السبب، لا يمكن أن يفهم منه سوى انعدام هذا السبب، إضافة الى ما يستشفّ منه من استهانة.
علما بأن رئيس القائمة قدّم طعنا في الآجال لدى لجنة الطعون ولم يمكّن من وثيقة استلام décharge رغم طلبه الملحّ، كما اتصل مرارا بالسيد عبد الوهاب الباهي ( المرصد ) الذي لم يجبه.
وأخيرا يجدّد هؤلاء الأعضاء التعبير عن شعورهم بأنه وقع حرمانهم من حقهم المشروع في المواطنة بدون وجه حق، وأنهم على كل حال حقّقوا بعض النصر بمجرّد نجاحهم في تشكيلها رغم كل العراقيل، وعليه فإنهم مقرّون العزم على التواجد في أيّ استحقاق انتخابي قادم.
الطريق الجديد(العدد 180 ) 15 ماي 2010

samedi 15 mai 2010

«Statut avancé» Tunisie-Union européenne :VERS UN ACCOUCHEMENT «AU FORCEPS»…

Après la tenue de la 8ème session (2009-2010) du Conseil de l’association Tunisie-UE, le 11 Mai 2010, il semble acquis que l’on s’achemine vers un accord sur le statut avancé, mais pas avant quelques mois, et sous des conditions qui nécessitent encore un effort, du côté tunisien, sur les questions qui fâchent: celles des droits de l’homme et des libertés.
Dans le cadre du feuilleton sur l’accès de la Tunisie au «statut avancé» dans ses relations avec l’Union Européenne (cf. les articles dans «Attariq Al Jadid» depuis décembre 2009), les autorités tunisiennes, qui ont déployé un intense effort diplomatique en direction des Etats nombreux de l’U.E, tablaient sur une avancée décisive à l’occasion de la tenue, le 11 mai, de la 8ème session (2009-2010) du Conseil d’Association Tunisie - U.E.
A en juger par les commentaires officiels, à l’issue du Conseil d’Association, du Secrétaire d’Etat espagnol aux affaires européennes, M. Diego Lopez Garrido, dont le pays préside l’UE jusqu’au 30 Juin, du Commissaire Européen en charge de la politique Européenne de voisinage (PEV), Mr Stephan Füle  et de M. Kamel Morjane, ministre tunisien des affaires étrangères, l’accouchement aura certes, lieu mais…  «au forceps» : pas avant quelques mois, et à condition de consentir encore quelques efforts sur «la question sensible du respect des droits de l’homme ».
Un «forcing» insistant
Les autorités tunisiennes espéraient obtenir, sinon une «feuille de route» en bonne et due forme, du moins une «déclaration solennelle» sur ce «rehaussement» tant convoité, à cette ultime occasion, avant la fin de l’actuelle présidence espagnole (30 juin 2010) et, pourquoi pas, avec une «confirmation» à l’occasion de la tenue (toutefois toujours hypothétique) du sommet de l’incertaine Union pour la méditerranée (UPM), prévu pour le 7 juin prochain[1]
En réalité, le véritable débat n’est pas d’être pour ou contre ce «rehaussement», dont l’enjeu principal procède surtout de l’image et du prestige politiques ainsi que de l’espoir d’une grande attractivité des investissements étrangers.
Le ferme soutien à la demande gouvernementale tunisienne de trois des Etats membres européens les plus influents (France, Italie, Espagne) est, en effet, déterminant.
Toute la question est, en fait, de savoir si ce renforcement du statut sera obtenu rapidement, au terme de quelques semaines de «forcing» et, surtout, s’il se fera, comme le voudraient les autorités tunisiennes, «au moindre coût» sur le plan des engagements pour des réformes politiques effectives.
Et de ce point de vue, les tractations qui ont précédé et accompagné la réunion du 11 mai dernier ont confirmé les éléments suivants :
- Il s’agit d’un processus de négociations en vue du renforcement des relations Tunisie-UE, entamé il  y a trois semaines et «officiellement  lancé le 11 mai».
- Ces négociations doivent être menées «sans tabous, y compris sur la question sensible du respect des droits de l’homme» (dépêche AFP-Bruxelles du 11 mai).
- Elles se dérouleront dans le cadre d’un «groupe de travail dans le perspective d’un statut avancé». D’alleurs,le groupe de Travail « MAMA » (Maghreb Machrek) des Etats membres a déjà entamé l’examen du «document officiel» tunisien remis à la mi mars.
- Les deux parties espèrent parvenir à un résultat cette année, et M. Kamel Morjane s’est engagé à ce que «le gouvernement tunisien continue à travailler pour plus de liberté et pour plus de démocratie, de façon réfléchie»[2].
 De nombreuses pressions se sont exercées ces derniers temps sur Bruxelles afin que les questions des Droits de l’Homme bénéficient de toute l’attention qu’elle mérite. Ainsi, dans une lettre ouverte adressée le 29 avril aux ministres des affaires étrangères des Etats membres de l’UE et à la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires Etrangères et la Politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, la FIDH (Fédération Internationale Ligues des Droits de l’homme), le REMDH (Réseau Euro-Med des Droits de l’homme) et l’OMCT (Organisation Mondiale Contre la Torture) ont rappelé l’importance des questions des droits de l’homme [3].
A ces interventions, se sont ajoutées celles de trois des principaux groupes politiques de Parlement Européen (Parti des Socialistes Européen, «Gauche Unie» et «Verts»), rappelant que «le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques doit être la condition de l’amélioration des relations U.E- Tunisie».
Khémaïs Chammari


[1] L’entêtement du ministre israélien des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, à vouloir assister à ce « Sommet » et l’attitude délibérément provocatrice adoptée par son premier ministre, Benyamin Netanyahou, sur la politique de colonisation, Jérusalem et le « mur », risquent bien de « plomber » cette réunion.
[2] La lettre ouverte du 29 avril.

vendredi 14 mai 2010

UNE 180 (en français)

DANS CE NUMÉRO: DIX QUESTIONS AU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR LES ÉLECTIONS MUNICIPALES, "QUI EST AMMAR?", ENQUÊTE SUR LA "VAGUE ORANGE", ETC...

Une 180

DANS CE NUMÉRO, LES PREUVES DES ABUS DANS LES ÉLECTIONS MUNICIPALES, LA FRONDE DE L'ÉQUIPE D'EL HAKK MAAK CONTRE LA CENSURE DU MINISTRE DE LA COMMUNICATION, L'INVASION PAR LES FORCES DE L'ORDRE DE L'HÔPITAL DE KASSERINE ETC...
BONNE LECTURE!

Censure sur Internet : Qui est Ammar?

«À quelque chose, malheur est bon!». Le dernier Tsunami de censure qui s’est abattu sur la toile –  interdisant pêle-mêle l’accès à des sites de journaux en ligne (Rue89.com, Le Nouvel obs…) à des sites de partage de vidéos (Metacafe, blip.tv, vidoemo…), à des sites de partage de photos (flickr.fr), à des portails TV (Wat TV) et même à des dizaines de blogs tunisiens (dont celui des Amis d’Attariq) – a réveillé la conscience citoyenne de dizaines de milliers de jeunes internautes tunisiens. Ils ont été très nombreux à crier leur révolte, à revendiquer leur droit d’accéder à l’information et à celui de la libre expression.
Ainsi, la mobilisation à travers la campagne «Ammar Seyyib Salah» (Ammar, lâche-nous les baskets) connaît un succès incontesté. Idem pour la pétition contre la censure d’Internet – qui s’approche de son objectif de dix mille signatures – et pour les adhésions au groupe «La censure nuit gravement à l’image de mon pays». Les blogueurs et les facebookers rivalisent d’imagination pour tourner en dérision la figure du censeur en chef: «Ammar» qui, grâce notamment au formidable coup de crayon de DebaTunisie (caricature ci-joint), est devenu un véritable personnage, héros malgré lui. C’est sur lui que se cristallisent désormais la colère et les frustrations d’usagers censurés et n’accédant plus à un large éventail de services du net, en dépit des sommes conséquentes qu’ils payent à Tunisie Télécom et à leur fournisseur d’Internet.
Mais il est peut-être bon de rappeler que Ammar est un personnage fictif, une caricature… qu’il n’existe pas! Ainsi, il ne sert à rien de continuer à l’interpeller et à le martyriser. C’est, à la limite, trop commode pour les vrais censeurs. Maintenant que l’affaire prend une tournure officielle avec l’appel à lever la censure sur Internet lancé, au sein du Parlement, par le député d’Ettajdid Adel Chaouch, il faut s’adresser aux responsables institutionnels de la gestion d’Internet dans le pays. Celle-ci dépend officiellement de l’Agence Tunisienne de l’Internet, dont le PDG est M. Kamel Saadaoui. Ce dernier agit sous l’autorité de la  Secrétaire d’État chargée de l'informatique, de l'Internet et des logiciels libres: Mme Lamia Cheffaï Sghaïer qui dépend, à son tour, du Ministre des technologies de la communication: M. Mohamed Naceur Ammar.
Alors, messieurs-dames, vous qui êtes responsables de la gestion d’Internet en Tunisie, levez la censure, respectez la liberté d’expression et n’entravez plus le libre accès à l’information! Vous avez été interpellés par un représentant du peuple, qui a relayé la colère et la révolte d’une partie de la jeunesse de ce pays. Le SMIG de la responsabilité est de lui répondre et d’essayer d’expliquer aux Tunisiens ce que les sites et les blogs censurés ont de dangereux ou de nocif. Continuer à se murer dans un silence hautain ne signifierait qu’une seule chose : le mépris de vos concitoyens!
Baccar Gherib

En marge des Municipales: Dix questions à Monsieur le Ministre de l’Intérieur

Monsieur le Ministre,
 Vous avez, lors de votre conférence de presse consacrée aux résultats des élections municipales, rejeté le qualificatif de «dominant» attribué au RCD. «C’est un parti qui se caractérise par une forte présence et par une légitimité historique…», aviez-vous déclaré (voir le journal Le Temps du 11/05). Ceci nous suggère la question suivante: ces propos sont-ils ceux du ministre de l’intérieur, autorité chargée des élections et supposée être neutre et impartiale, ou ceux du membre du bureau politique du RCD, responsable, de surcroît des élections en son sein?
Vous avez également déclaré que «ces élections se sont déroulées dans la transparence et le respect strict de la loi». Permettez-nous, à ce sujet, monsieur le ministre, de vous poser en vrac ces quelques questions:
- Pourquoi, et cela est vrai pour toutes les élections, le RCD occupe-t-il toujours l’emplacement numéro un dans les affiches électorales, suivi des partis de la Mouwalat, alors que le dernier emplacement est toujours réservé à l’opposition sérieuse ? Est-ce par respect de l’article 34 du code électoral, qui dispose que «les emplacements sont attribués dans l’ordre d’arrivée des demandes…»? Ou bien est-ce que l’emplacement n°1 est «hors concours», car toujours réservé au RCD?
- Pourquoi de simples citoyens se voient-ils interdire le droit de s’inscrire sur les listes électorales, alors que des dizaines de cartes sont distribuées le jour du scrutin pour d’autres citoyens, ou s’agit-il de citoyens «recrutés» pour voter «rouge»?
- Pourquoi vos services régionaux et locaux ont-ils refusé d’accorder le récépissé définitif à des listes indépendantes et citoyennes constituées en respect de la loi, alors que d’autres listes ont été admises malgré le non respect des dispositions du code électoral? On songe notamment à certaines listes du RCD qui ont changé certains de leurs membres après la dite limite fixée pour le dépôt des candidatures et après la publication de la liste initiale dans les journaux du RCD, ou à la liste du MDS de la circonscription d’Om Laarayes qui ne contenait que 15 noms et dont les «résultats» ont été validés, alors que le nombre des sièges à pourvoir y est de 16 (voir une copie de cette liste dans la partie arabe d’Attariq).
- Pourquoi, et cela est valable aussi bien en temps normal qu’en période électorale, vos services centraux, régionaux et locaux, s’abstiennent-ils toujours, en violation des dispositions législatives, d’accorder des récépissés aux citoyens et ce quel que soit le type d’opération effectuée ?
- Pourquoi, malgré le discours officiel qui glorifie le pluralisme à la tunisienne, vos services régionaux et locaux, aidés par les responsables du RCD, ont-ils exercé des pressions et de l’intimidation pour dissuader des membres de certaines listes citoyennes de se présenter aux élections municipales, alors que d’autres partis de la Mouwalat sont aidés par les mêmes services dans leur recherche de candidats ?
- Pourquoi, au vu et au su de tout le monde, certains membres de bureaux de vote, présidents inclus, portent-ils des écharpes et des casquettes rouges indiquant publiquement leur appartenance au RCD, alors que l’article 40, paragraphe 2, du code électoral dispose: «il est interdit aux membres du bureau de vote de porter des insignes indiquant leur appartenance politique»?
 - Pourquoi avez-vous obligé les listes indépendantes et citoyennes à se déplacer jusqu’au siège central du ministère de l’intérieur à Tunis pour exercer votre censure sur leur programme électoral, alors que le code électoral et le code de la presse ne vous donnent pas ce pouvoir ?
- Pourquoi les présidents des bureaux de vote désignés par vos services ont-ils admis, surtout dans les bureaux réservés aux femmes (une singularité tunisienne), que des électeurs votent par procuration, alors que l’article 49 (paragraphe 2) dispose qu’ «est interdit le vote par procuration»?
- Pourquoi, en violation de l’article 56 du code électoral, les forces de l’ordre ont-elles refusé l’accès des représentants des listes citoyennes aux bureaux centralisateurs dans les Délégations pour assister aux opérations de dépouillement, ce qui a donné lieu, selon les représentants de ces listes, à «une fraude massive»?

A ces questions et à des dizaines d’autres, nous ne nous attendons, hélas! pas à des réponses. C’est pour cela que nous nous permettons, monsieur le ministre, de vous adresser une  dernière question: ne vaut-il pas mieux, en fin de compte, qualifier le RCD de PARTI HÉGÉMONIQUE?
ATTARIQ ALJADID

mercredi 12 mai 2010

Municipales: les résultats proclamés dénaturent la volonté des électeurs

A la suite de la proclamation des résultats des élections municipales qui ont eu lieu dimanche 9 mai 2010, des représentants du Forum démocratique pour le Travail et les libertés, du Mouvement Ettajdid, du Parti du Travail patriotique et démocratique, du Courant de la Réforme et du développement, et des indépendants se sont réunis au siège du Mouvement Ettajdid pour étudier les résultats de cette échéance électorale sur laquelle ils s’étaient dans de précédentes déclarations. Après un échange de points de vue, ils sont parvenus aux conclusions suivantes :

- Les résultats proclamés consacrent une fois de plus la carte politique imposée par le pouvoir et qu’il a tenu à montrer à l’occasion de ces élections, tout comme pour les précédentes. Ils ne reflètent en aucune façon la réalité du pluralisme dans notre société, ni celle du poids des composantes politiques. Ils confirment l’échec du système de participation adopté, ce qui a abouti, contrairement aux affirmations réitérées dans le discours officiel, à vider de son contenu le pluralisme politique institué par la Constitution. Ils confirment également le refus des structures régionales et locales du parti au pouvoir et des autorités régionales et locales qui lui sont acquises, d’admettre le principe du pluralisme politique, d’une concurrence réelle et d’une neutralité effective de l’administration. Ils constituent un indice de plus révélant les dangers de la désaffection et du renoncement de larges couches de la population à participer à la vie politique.

- Les résultats annoncés et les conditions de déroulement de ces élections confirment la justesse de la position de réserve adoptée par ces forces politiques quant à une participation sous leurs couleurs propres ou dans le cadre d’une alliance entre elles, préférant concrétiser leur choix de principe de participer par « l’encouragement et le soutien à des initiatives locales, dans un cadre de solidarité et d’action commune au sein de listes de participation citoyenne ». Ils réitèrent leur considération à tous ceux qui ont œuvré avec sérieux et abnégation pour constituer des listes indépendantes, en dépit des pressions multiples et des obstacles de toutes sortes. Tout en condamnant le rejet des listes qui ont été soit avortées, soit empêchées de se présenter, soit invalidées de façon illégale, ils saluent la participation courageuse des listes restées en compétition et la concurrence sérieuse qu’elles ont su imposer dans leurs circonscriptions.

- La participation militante des listes indépendantes, malgré son caractère symbolique et la modicité des moyens matériels mobilisés, a permis de réaliser de nombreux objectifs qui seront autant de leçons utiles pour l’avenir du mouvement démocratique. Elle a montré que la participation militante demeure le meilleur moyen pour défendre, sur le terrain, les droits des citoyens, en dépit des conditions restrictives. Les listes indépendantes sont parvenues, pour la première fois, à assurer le contrôle de la totalité des bureaux de vote dans les circonscriptions concernées, ce qui leur a permis d’obtenir les chiffres réels des taux de participation et des résultats du vote, et d’avoir une idée précise des divers dépassements et abus. La participation militante a mis en relief des possibilités réelles d’une compétition effective ainsi qu’une large sympathie des citoyens envers les forces oeuvrant pour le changement et la réforme ; elle a révélé aussi l’existence d’un mouvement pluriel au sein de notre société. Les forces politiques qui ont soutenu ces listes constatent que les résultats officiels proclamés dénaturent la volonté des électeurs et déforment les résultats réels enregistrés par le véritable observatoire que constitue le réseau des représentants de ces listes dans les bureaux de vote des circonscriptions où elles se sont présentées.

- L’accaparement par le parti au pouvoir de la totalité des sièges dans 181 conseils municipaux sur 264 et l’hégémonie de ce parti dans le reste des circonscriptions, montrent avec éclat l’échec du modèle officiel de pluralisme dans le paysage politique tel qu’il perdure, un demi siècle après l’indépendance et plus de trente après la reconnaissance de la pluralité de partis. Un tel échec rend indispensables des réformes politiques fondamentales visant à faire évoluer le paysage politique pour qu’il reflète fidèlement la réalité du pluralisme dans la société et réalise l’aspiration des Tunisiens à une vie politique démocratique et moderne. Cela n’est possible que par la mise en œuvre d’un programme national de réformes, avec un contenu et un calendrier précis, dans le but de réunir les conditions d’une transition démocratique, en vue des échéances électorales, présidentielles et législatives, de l’année 2014.

- Une révision radicale du système de participation politique devient une nécessité impérieuse dans la perspective d’une « mise à niveau » du paysage politique pour les prochaines échéances.
L’ensemble du système régissant les élections - de l’inscription sur les listes électorales à la supervision des opérations de vote et à la proclamation des résultats - a atteint ses limites et nécessite un changement radical.
Des élections véritables ne peuvent se dérouler dans la transparence et la concurrence loyale que si la responsabilité de la conduite des opérations électorales échappe à la mainmise du Ministère de l’Intérieur pour revenir à un comité national indépendant et permanent, après une refonte globale du Code électoral, instituant notamment l’inscription automatique sur les listes électorales et la criminalisation de la fraude électorale.
La situation politique actuelle impose à l’opposition démocratique une responsabilité particulière dans la poursuite des efforts visant à développer ses capacités, rassembler ses forces et améliorer son action, pour qu’elle puisse affronter les échéances électorales à venir et assurer la transition démocratique voulue.



Pour les participants,
Le Secrétaire général du FDLT
Mustapha Ben Jaâfar

Tunis le 12 mai 2010

En marge des négociations Tunisie - UE : La démocratisation, un acte de souveraineté nationale

Le conseil d’association Tunisie – Union Européenne doit se tenir le 11 mai prochain à Luxembourg. Le succès de ces négociations, est, certes, éminemment souhaitable pour notre pays, dont l’accès au statut de membre avancé est de nature à donner une impulsion nouvelle à son développement économique et social.

Cependant, il est connu que, parmi les exigences fondamentales pour un renforcement significatif des relations avec l’UE, il ya les questions récurrentes des réformes démocratiques, des droits humains et de la bonne gouvernance. La coopération n’est pas, en effet, qu’une affaire d’économie et de commerce. Elle implique, avec autant de force, un engagement mutuel des deux parties en faveur de ces valeurs politiques et morales communes.


Cet engagement, la Tunisie doit l’affirmer haut et fort, non pour se soumettre à des pressions, mais de manière spontanée, volontaire, en toute souveraineté. Des mesures concrètes pour un respect des droits de l’homme et des principes de gouvernance démocratique sont, en effet, d’abord une exigence nationale et une condition nécessaire pour un développement intégral et indépendant.


C’est dans cet esprit qu’elles doivent être envisagées, loin de toute crispation. Résoudre la question de la Ligue des droits de l’homme, libérer les prisonniers d’opinions, respecter les libertés individuelles et publiques-parmi lesquelles la liberté d’expression et d’organisation-cesser toute tentative de domestication des organisations de la société civile, inscrire dans les faits le pluralisme et la transparence des élections… : ce sont là autant d’actes que dicte l’intérêt bien compris de notre pays.
Un système de gouvernance nouveau, qui soit crédible aux yeux de notre opinion publique, serait, en soi, un acquis national.


Le regain de crédibilité qu’il donnera à notre pays aux yeux de nos partenaires sera, alors une conséquence bien venue, qui, tout en facilitant nos rapports avec l’union européenne renforcera, surtout, notre souveraineté.


Attariq Aljadid

Crédit image : Webmanagercenter

lundi 10 mai 2010

Elections municipales : misère de la politique


J’ai lu avec beaucoup d’intérêt et une certaine émotion le bel article de Faouzi Ksibi, paru dans le dernier numéro d’Attariq, racontant les difficultés de la constitution, dans sa ville de Kelibia, d’une liste citoyenne aux élections municipales et son rejet – non justifié, comme de coutume – par les autorités. Car cette petite histoire de la difficile bataille pour la constitution d’une liste qui sera, au bout du compte, rejetée, peu après sa présentation, par un anonyme et fort bureaucratique trait de plume, est emblématique. Elle révèle, d’abord, la prégnance d’une mentalité et la poursuite de pratiques tout à fait opposées au discours officiel de promotion de la démocratie et du multipartisme. Elle montre, ensuite, étant donné ces pratiques, l’extrême exiguïté du champ d’action pour une opposition politique légale et légaliste et, à cause de cette exiguïté, la position très inconfortable où se trouvent coincés d’authentiques militants patriotes et démocrates, obligés ainsi de choisir, entre continuer, malgré tout, à se battre pour le droit légitime de représenter leurs concitoyens ou cesser de «jouer le jeu». Bref, elle met au jour la misère de notre vie politique et nous somme de composer avec elle.

Ce contexte particulier fait en sorte que ces listes citoyennes qui se sont engagées dans les élections municipales sont la cible de deux discours opposés mais qui ont le même défaut de méconnaître la dure réalité du terrain. Il est bon de rappeler celle-ci pour mieux répondre à ces deux discours et ces deux faux procès. Pour le premier, qui prolifère sur les pages de Facebook, notamment, les listes citoyennes font partie du décor et, en participant dans un contexte n’offrant pas les minima pour une vraie compétition, elles ne font que cautionner une mascarade. Pour le deuxième que l’on trouve, par exemple, sur les pages d’Achourouk, le nombre très restreint de listes de l’opposition – treize, dont sept ont été rejetées – n’est que le signe de sa faiblesse politique et organisationnelle.

Ainsi, aussi bien le discours «radical» (qui stigmatise ces listes comme complices d’une mascarade) que le discours «politiquement» correct (faisant mine d’ignorer les difficultés extrêmes du terrain) font fausse route: les citoyens qui ont réussi à constituer des listes citoyennes ont réalisé une véritable gageure. Ils ont réussi non seulement à s’imposer dans un contexte de démission et de scepticisme quasi-généralisés, mais surtout à résister aux multiples pressions, maniant carotte et bâton, visant la défection d’un de leurs colistiers et, partant, la chute de leur liste. Que celle-ci ait été finalement acceptée ou rejetée, ils méritent le respect de tous les démocrates de ce pays. À l’heure où beaucoup veillent à ne pas s’exposer, leur engagement pour leur ville, leur militantisme et leur courage sont à saluer et nul n’a le droit de les traiter comme les complices d’une «mise en scène destinée à flouer les Tunisiens».

Reste le constat de la faiblesse de l’opposition dont semblent se désoler certains commentateurs politiques… Elle est incontestable : seulement treize listes présentées sur un total de 264 municipalités. C’est peu, trop peu! Mais ce constat gagne à être relativisé en le rapportant au contexte politique évoqué ci-dessus. Considéré sous cet aspect, ce chiffre n’est plus ridicule. Loin de là! Dans treize villes, de Kelibia à Jbeniana, en passant par Hammamet, Gtar et Omm Larayes, des militants authentiques ont réussi à sensibiliser des citoyens pas encore totalement blasés et à les convaincre du bien fondé de se rassembler sous la bannière de l’opposition et de porter pour leur ville un projet alternatif à ceux qu’elle a subis jusque-là… Car, visiblement, ces listes gênent au plus haut point et l’idéal, pour certains, aurait peut-être été qu’il n’y en eût aucune! À croire que les listes de Khlidia, Ksiba ou Mateur représentaient un danger pour l’unité nationale! Bref, un diagnostic objectif de la santé de l’opposition en Tunisie ne peut faire abstraction des effets de cette formidable machine à désengager, démobiliser et dépolitiser, qui est à l’œuvre, inlassablement. 

Plus profondément, le contexte manifestement de plus en plus hostile à l’exercice par l’opposition de ses activités naturelles, dont la participation aux échéances électives, pose de manière lancinante la question des modalités d’action du Mouvement Ettajdid et de ses alliés sur la scène politique en général et leur positionnement par rapports aux élections à venir en particulier. Certes, le choix de la participation militante a été politiquement juste, aussi bien aux élections de 2004 que celles de 2009, et leur a permis notamment de réaliser une progression notable et de gagner en crédibilité et en visibilité. Certes, le boycott n’a de sens que s’il a un effet, que s’il est ressenti. Ce qui est, on le voit, hautement improbable dans un contexte où le désintérêt pour la chose publique et la démission sont l’état normal de la société. Et il risque ainsi d’être moins une action politique qu’une pétition de principe. Mais force est de constater que les Municipales de 2010 sont en train de confirmer le rétrécissement de la marge de manœuvre pour les listes opposantes, déjà constaté lors des Législatives de 2009. Dès lors, il est impératif de prendre en compte cette donne et, tout en militant pour un assainissement du climat politique et une réforme du code électoral, de repenser nos modalités d’action et de participation à la vie politique de notre pays. 

Tout en souhaitant bon courage aux six listes citoyennes rescapées, à nous de prendre conscience de la misère de la situation politique actuelle, de savoir composer avec elle et de faire en sorte de ne pas ressembler à ceux que plaint l’adage tunisien parce qu’ils «ont accepté un malheur qui n’a, hélas! pas voulu d’eux»!

Baccar Gherib

vendredi 7 mai 2010

Ammar is watchin' you!


La 404 de Ammar a finalement été identifiée! Ci-joint, sa photo. Venez la découvrir!!

Violences d’El Menzah : Autopsie d'un traitement médiatique

Sans doute plus que les violences au stade d’El Menzah du 8 avril dernier en elles-mêmes, c’est leur traitement par divers médias – publics et privés – qui est susceptible d’interpeller les observateurs et de les informer sur les caractéristiques de la scène politique en Tunisie, notamment sur l’articulation très particulière qui y prospère entre les champs politique, médiatique et… sportif.

Commençons par le commencement: tout le monde s’est accordé à souligner la gravité des faits, mais, à ce jour, personne n’a jugé utile de les décrire avec exactitude!! Dans pareils cas, en effet – du moins dans les pays qui respectent leur opinion publique – il est d’usage que le ministre de l’intérieur ou bien le directeur de la sûreté organise une conférence de presse. La vocation de celle-ci est non seulement de donner l’information exacte sur le nombre de victimes (s’il y en a) et de blessés (parmi les supporters et les forces de l’ordre), celui des personnes arrêtées et d’évaluer l’ampleur des dégâts matériels, mais surtout d’essayer de mettre au jour la séquence des faits qui a mené aux désordres. Seule cette mise au point permet de délimiter les responsabilités des uns et des autres et d’identifier les carences ou les erreurs aidant ainsi à la prévention de pareils épisodes dans le futur.

En l’absence de cette information crédible et détaillée, le Tunisien se trouve confronté à l’énorme hiatus qui sépare la langue de bois des médias et ce qui circule sur Internet, notamment grâce au réseau social Facebook, comme images et vidéos retraçant quelques épisodes des affrontements. Ainsi, le surlendemain des faits, un quotidien de la place s’empressait-il de titrer «Les forces de l’ordre gèrent la situation avec calme et doigté», tandis que, dans le même temps, la photo d’un agent des forces de l’ordre s’apprêtant à jeter de toutes ces forces une pierre au public dans les travées du stade, faisait le tour du net. Idem pour des vidéos relatant des épisodes particulièrement brutaux!! Décidément, certains n’ont pas compris qu’on ne pouvait plus s’amuser à refaire La Pravda au moment où un grand nombre de téléphones portables sont équipés de caméra et où près d’un million de Tunisiens sont sur Facebook…

Par ailleurs, la stratégie médiatique habituelle adoptée sous nos cieux, quand on veut communiquer sur un problème plutôt délicat, suppose, après l’incontournable moment de la langue de bois, un deuxième temps. Celui-ci consiste dans l’envoi sur les plateaux de télé d’un journaliste «indépendant» chargé de faire passer la lecture officielle des faits. Ce qui fut fait. Invité à une émission spéciale sur Hannibal TV, où les présents arboraient une grave mine de circonstance, le journaliste «indépendant» de service se lança, sûr de lui, dans une diatribe qui consistait à affirmer la gravité des faits, à en désigner les responsables (l’entraîneur de l’Espérance et, surtout, son public, «habitué de ces dérapages violents») et, enfin, à appeler à la fermeté.

L’exercice est rodé, parfaitement maîtrisé. Il a souvent servi, en l’absence de contradicteurs, à attaquer et essayer de discréditer des personnalités politiques opposantes, des chaînes satellitaires d’information ou des ONG. Et cela se faisait dans l’impunité la plus totale, car il n’y a jamais eu retour de boomerang. Ce n’était vraisemblablement pas le cas cette fois-ci. Car quelle ne fut pas notre surprise, quelques jours plus tard, de voir réapparaître, sur l’écran de la même chaîne, la mine défaite de notre justicier présentant ses plus plates excuses au public incriminé, évoquant pêle-mêle, un malentendu, la grandeur du club, son rôle dans le mouvement national et dans l’encadrement de la jeunesse… Le tout clôturé par un pathétique «je me suis rendu compte que le sport est plus dangereux que la politique»! Traduisez: il est plus facile de s’attaquer à des partis politiques et à leurs représentants qu’à des clubs de football…

Marx disait à peu près que les idées se changeaient en force matérielle dès qu’elles saisissaient les masses. Nous vivons, hélas ! dans une étrange société où ce sont moins les idées politiques et sociales que les appartenances sportives qui sont susceptibles de saisir les masses et de se muer en force matérielle. Notre Zorro des plateaux télés l’a sans doute appris à ses dépens en circulant dans les rues de Tunis après sa triste intervention télévisée…

Baccar Gherib

Crédit image : Leaders