Malgré les différences de genre (un témoignage prospectif, une biographie et des mémoires), les trois ouvrages ont des points communs:
D’abord, il s’agit de trois opposants à Bourguiba avec des itinéraires différents, parfois croisés. Ensuite, les trois productions démontrent l’existence d’une pensée de gauche authentiquement démocratique, véhiculée par des acteurs qui ont payé un tribut très lourd (physique, mental), pensée qui s’est forgée dans la douleur et la souffrance souvent, et parfois dans la bonne humeur malgré les épreuves. Enfin, les trois ouvrages sont écrits dans un style élaboré et clair ; ils sont agréables à lire, car ils prennent à leur compte la devise de Kant, « une lecture amusante est aussi utile à la santé que l’exercice du corps ».
Et si Attariq a rendu compte dans ses précédentes livraisons des ouvrages publiés par Gilbert Naccache et Fethi Belhaj Yahia, il n’en a pas été de même pour les mémoires de Mohamed Charfi. Pourquoi ? Tout simplement, le livre étant publié en France, nous avons attendu sa distribution en Tunisie, jusqu’à la fin de la foire du livre, en vain ! Ils semblent que les pouvoirs publics se dirigent vers une censure du livre.
Devant cet état de fait, nous avons décidé de publier quelques passages du livre qui nous ont paru importants. Le choix n’a pas été facile et une part de subjectivité l’a sans doute déterminé. Ces morceaux choisis ne remplaceront pas la lecture du livre, mais ils donneront une idée sur les opinions et l’itinéraire de ce grand militant qui a certainement marqué l’histoire moderne de la Tunisie. Mohamed Charfi ne laisse pas, en effet, indifférent ; on l’aime ou on ne l’aime pas ; certains l’ont même cordialement détesté. Le roman de la vie de Mohamed Charfi est le roman d’une époque, d’une mouvance, d’une pensée qui, en affirmant la liberté, prend sur elle l’origine du mal. Un roman sans concessions ni pour l’époque, ni pour l’auteur lui-même.
La lecture de ce roman, pour reprendre, L. Aragon, « jette sur la vie une lumière ». Et c’est le combat pour les lumières de Mohamed Charfi qui nous interpelle, car, devant une telle vie, on ne peut être d’accord sur tout, ni totalement en désaccord.
C’est à un débat que nous invite ce livre. En jugeant les actions de cet Acteur, on se juge soi-même. Or, « l’agir véritable fait que la réalité ne soit pas totalisable » (P. Ricoeur). La mémoire se perd ; mais l’écriture demeure. Bonne lecture.
* Mohamed Charfi, Mon combat pour les lumières, Préface de Bertrand Delanoë, Ed. Zellige, Paris, 2009. 301 pages.
Samir Taïeb
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