samedi 9 janvier 2010

Dieu protège la Tunisie!

Jusqu’à la publication cette semaine du rapport sur la Tunisie de l’Economist Intelligence Unit (EIU), l’image que l’on pouvait avoir de la conjoncture économique tunisienne repose sur le Budget économique pour l’année 2010, édité cette année tardivement (au mois de novembre 2009) pour tenir compte de développements imprévisibles devenus importants du fait des turbulences de l’économie mondiale.

Cette image peut être ainsi résumée : pour l’année 2009, une croissance de 3,0 pour cent, un déficit budgétaire limité à 3,8 pour cent du PIB et des créations d’emplois s’élevant à 56 mille contre des besoins additionnels estimés à 85 mille.

La conclusion qu’un économiste pouvait tirer de ce tableau était que le gouvernement aurait pu mener une politique d’expansion budgétaire moins frileuse, c’est-à-dire augmenter les dépenses publiques pour amortir la baisse de la demande et ce, en investissant dans les infrastructures et en créant de nouveaux emplois. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait pratiquement tous les gouvernements, de sorte qu’aux Etats-Unis, le déficit budgétaire se situe autour de 9 pour cent et qu’il en est presque de même dans les autres pays d’Europe.

La lecture du rapport EIU donne de la situation une tout autre image : l’estimation de la croissance pour 2009 se situe à 1,2 pour cent seulement et celle prévue pour les deux prochaines années est très molle : 2,7 pour cent en 2010 et 2,9 pour cent en 2011. Des années de croissance très faible, inférieure à 2 pour cent, la Tunisie en a connues, mais leur nombre se limite à dix dans son histoire depuis l’indépendance (soit moins d’une année sur cinq). En règle générale, ces années sont précédées et/ou suivies par des années de forte croissance. Jamais, cependant, dans notre histoire économique contemporaine, nous n’avons été confrontés à trois années successives de croissance aussi faible.

Ce que nous apprend également ce rapport, c’est que le déficit budgétaire de 2009 se situe, non pas à 3,8, mais à 6,4 pour cent en raison des stimulants introduits dans le budget supplémentaire, voté fin juin dernier, et l’ouverture de 16 mille nouveaux postes dans l’Administration.

Des déficits budgétaires aussi importants ne peuvent être reproduits au risque de briser les équilibres financiers et d’engendre une vague inflationniste.

Si les estimations et les prévisions de l’EIU devaient être confirmées, la Tunisie serait confrontée à la période la plus difficile de son histoire au plan économique comme au plan social : à ce rythme, les créations d’emplois annuelles plafonneraient à une cinquantaine de milliers, laissant sur le carreau plus de 35 mille personnes chaque année. Au moment où le désespoir commence à se répandre chez les jeunes, en particulier les diplômés de l’enseignement supérieur, cette perspective est d’autant plus angoissante qu’elle s’inscrit dans une période d’incertitude inédite et de nervosité dans le traitement des affaires politiques. Le risque est que cette nouvelle conjoncture vienne assombrir les horizons et donner encore plus d’arguments à ceux que la moindre ouverture politique inquiète.

Mahmoud Ben Romdhane

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