vendredi 5 février 2010

Faites-le taire, quelqu’un!

Lecteur régulier de votre journal, j’estime que, dans le paysage médiatique actuel, il est le plus indiqué, par sa ligne éditoriale, à accueillir mon coup de gueule concernant une certaine «littérature» qui fleurit sur une certaine «Presse» dans certains «grands moments» de notre vie politique. J’en ai gros sur le cœur, en effet. Car je crois que même dans un journal qui s’est fait une spécialité dans la langue de bois et où l’on peut lire de longs textes savamment parsemés de mots-clés tels que «vision prospective» ou «avant-gardiste», mais qui ne veulent, au bout du compte, rien dire, … même dans ce type de journal, disais-je, il y a des limites à se moquer de son monde… Et ces limites sont allègrement franchies à chaque fois qu’un universitaire (sociologue de son état) s’invite à la tribune de ce journal pour nous expliquer le message et la portée d’une décision ou d’un discours présidentiel.

La dernière prouesse de notre sociologue date du 24 janvier 2010 avec un papier qu’il a sobrement intitulé Le discours de la méthode. Seulement voilà, à lire ce texte dont on devine qu’il a été rédigé au bord de l’orgasme intellectuel – tant son auteur est tour à tour «saisi, ravi, rassuré, fier et enthousiaste» –, on n’est pas plus avancé sur la signification qu’il a pu voir dans ce discours qui, à l’en croire, «illumine les temps»! Ainsi, par exemple, tout universitaire que je suis, je n’ai pas compris ce que veut dire «le discours présidentiel conjugue l’œuvre politique à sa pérennité et son ingéniosité», ni le sens du regard du président qui « stigmatise la réaction (du peuple) »!? De même, je crois percevoir une légère contradiction à dire de quelque chose qui est «largement ancrée dans l’attente» qu’elle est «avant-gardiste». Mais passons : il ne s’agit là que de broutilles! Car ce qui a achevé de me déboussoler, c’est que notre sociologue – qui s’est improvisé philosophe, en deux temps trois mouvements – identifie le discours présidentiel devant le conseil des ministres comme étant, à la fois, cartésien, spinozien, rousseauiste et wébérien… Rien que ça ! Sans doute, n’ai-je pas la culture philosophique de notre grand intellectuel, mais je subodore derrière cette accumulation de références sinon un manque de cohérence, du moins de l’éclectisme! Ce qui, avouons-le, est loin d’être un compliment pour tout discours fût-il de la méthode…

Bref, même s’il demeure le numéro un en termes d’annonces pour terrains, autos et logements et la référence incontournable de la nécrologie, un journal se doit de montrer un minimum de respect pour ses lecteurs et est dès lors appelé à choisir soigneusement les contributions auxquelles il donne sa tribune. Il doit veiller à éviter à ses lecteurs les délires que subissent des convives en fin de soirées un peu trop arrosées ou les divagations qu’endurent en amphithéâtre certains étudiants en sociologie les lendemains de discours présidentiels. Autrement dit, on peut cirer les pompes tout en restant intelligible!

Puisse mon appel être entendu et que notre sociologue se contente du public de ses étudiants! Et puisse Attariq demeurer cet espace de liberté accueillant pour l’esprit critique des Tunisiens et Dieu sait s’ils en ont!

Mohamed Ben Brahim

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