Attariq Aljadid : Quel est votre sentiment après cette censure?
-Z- : J’éprouve de la tristesse de voir mon blog amputé de 80% de ses lecteurs (car il reste accessible de l’étranger). J’éprouve aussi de la désillusion. Car je pensais avoir trouvé jusqu’ici le ton juste qui me permettait d’échapper aux ciseaux de Ammar. J’éprouve enfin de la peur de voir que je suis un éventuel «élément perturbateur» susceptible d’être la cible des autorités, si jamais elles décident de me retrouver.
Je me remets donc à l’évidence : nous avons l’impression de ne pas avoir affaire à des humains capables de modération, mais plutôt à une machine dont le seul objectif est d’obéir aux consignes sans flexibilité aucune.
A.A : Votre blog s’est, d’une certaine manière, spécialisé dans l’analyse et le commentaire des infos économiques scrutant tout ce qui est grand projet, déclassement, etc. Pensez-vous que cette information est gênante ?
-Z- : Je pense que la censure ne porte pas tant sur ce type de critique. Pourtant je reste persuadé que ce type d’information (les mégaprojets et le bradage du bien public) dans l’absolu est aussi gênant (voire plus) que de traiter de la politique politicienne. Il me semble que dans leur système de filtrage, les mots que j’employais et les caricatures n’étaient pas assez explicites pour les gêner, même si, en filigrane, c’était le politique que je visais.
Je crois que devant la masse de sites qu’ils passent au crible tous les jours, ils ne peuvent pas non plus s’attarder sur ce genre d’analyse. Je regrette d’ailleurs de n’avoir pas su garder ce ton, cela m’aurait épargné cet incident.
A.A : A quoi imputez-vous les foudres de Ammar 404 ?
-Z- : J’ai pu identifier l’IP de l’ATI et il semblerait qu’ils aient focalisé sur les articles traitant des «marabouts» et des «saints patrons». Mais je crois qu’ils m’avaient déjà à l’œil le jour où j’avais commencé à étendre ma critique au terrain sensible de la politique.
A.A : Pensez-vous que cette politique de la censure exercée par l’ATI peut être efficace pour contrôler la libre expression parmi les bloggeurs tunisiens ?
-Z- : Sur le court terme, cette méthode est efficace. Sur le long terme, je crois qu’elle sera très préjudiciable au système tout entier. Une génération tout entière de bloggeurs se politise et s’intéresse au débat public rien qu’à cause de la censure. Ce qui leur semblait abstrait devient pour eux sensible et concret. Toutes les mobilisations qu’a connues la blogosphère tunisienne, fussent-elles symboliques, témoignent de l’émergence d’une conscience politique nouvelle. Je ne dis pas que la blogosphère représente aujourd’hui un contre-pouvoir, mais je pense qu’elle est un laboratoire et un champ d’exercice pour la lutte qui devrait un jour ou l’autre commencer…
1 commentaire:
Merci pour cette interview.
A bas la censure !
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