vendredi 2 octobre 2009

L’invalidation massive des listes électorales : sa signification politique

Au terme de l’opération de dépôt et de validation des candidats aux élections législatives, le bilan est le suivant : sur les 26 listes présentées par Ettajdid/Initiative Nationale Démocratique et Progressiste, 13 ont été refusées et 13 ont été validées. Sans la résistance aux pressions exercées sur de nombreux candidates et candidats, l’hécatombe aurait été bien pire. Plus grave encore, Ettajdid/Initiative est mis hors course dans les gouvernorats où il existe encore une certaine vie politique : Tunis (1 et 2), Sfax (1 et 2), Gafsa, Kairouan, Monastir et Bizerte, en particulier.

Toutes les listes invalidées ont déposé des recours auprès du Conseil Constitutionnel dont la réponse est attendue pour les deux prochains jours.

Le décor est ainsi planté, non seulement pour circonscrire la campagne législative d’Ettajdid/Initiative, mais aussi la base militante de soutien à Ahmed Brahim, seul candidat d’opposition à la présidence de la République.

Plus fondamentalement, tout se passe comme si on avait programmé le nettoyage de la Chambre des Députés par la mise à l’écart d’Ettajdid, dernier et seul parti de l’opposition représenté au Parlement. Cette mise à l’écart ne se limite pas à la Chambre des Députés ; elle concerne tous les autres espaces où il a droit de cité du fait de sa qualité de parti parlementaire : les commissions supérieures consultatives et le Conseil Economique et Social.

Dans tous ces lieux, ce sera le bon retour à l’unanimisme. Car les autres partis légaux de l’opposition –PDP et Forum- semblent être voués au même sort : moins d’une dizaine de listes leur ont été validées. Ce qui semble programmé, c’est la réduction des trois partis à une vie végétative.

Ce qui se joue ces jours-ci, c’est la Tunisie des cinq prochaines années et c’est 2014. Le rêve que semble caresser et mettre en œuvre avec détermination le pouvoir (ou certains de ses cercles) pour les cinq prochaines années et au-delà, c’est celui d’une scène politique totalement « pacifiée », aseptisée, soumise. L’histoire du monde moderne nous enseigne, pourtant, que la nature a horreur du vide et que la disparition des acteurs civil(isé)s est forcément comblée par des acteurs… moins regardants.

Ce qui est en jeu durant ces jours cruciaux pour l’histoire de notre pays, ce n’est pas seulement Ettajdid et ses partenaires, ce ne sont pas seulement les partis d’opposition démocratique, ce n’est pas seulement la société civile ; ce sont, on le craint, les institutions républicaines mêmes, voire l’avenir de la Tunisie.

Le Conseil Constitutionnel a un rôle fondamental : il peut encore faire acte d’indépendance et donner une suite favorable aux recours présentés par les listes injustement disqualifiées.

La question n’est plus aujourd’hui de savoir si on doit participer ou non aux élections. Il s’agit d’être tous en éveil, d’empêcher que le pays ne soit entraîné dans une dérive commençant par Ettajdid/Initiative et les partis d’opposition, s’étendant ensuite à ce qui reste de la société civile et à tous les espaces de liberté. Nous sommes tous concernés.

Mahmoud Ben Romdhane


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