samedi 28 février 2009

Supporters : des phénomènes inédits à méditer

La semaine écoulée a vu des événements qui ont défrayé la chronique du monde du football dans notre pays. D’abord, un jeune supporter (17 ans) de l’Espérance de Tunis succombe à une crise cardiaque, peu après l’échec de son équipe dans un match de championnat. Ensuite, le même jour, mais plus tard dans la soirée, on assiste à des expéditions et des contre expéditions punitives entre bandes de supporters organisées qui ont pris pour cible le parc du Club Africain et l’hôtel du Parc de l’Espérance. Bâtiments saccagés, vitres brisées, gardiens molestés… Du jamais vu dans la longue histoire des deux frères ennemis de la capitale.

Certes, les derniers résultats du championnat de football, en rapprochant le classement des trois grands clubs du pays, ont ramené beaucoup de suspense pour ce qui est de la course au titre et ont rallumé les passions des uns et des autres. Mais aucune passion ni aucun enjeu sportif ne méritent la mort par dépit d’un jeune supporter, ni ne justifient des actes de vandalisme contre les symboles des adversaires.

L’état de tension palpable dans lequel se trouvent des millions de supporters à la veille de la rencontre qui opposera, ce dimanche, le Club Africain à l’Espérance de Tunis, et qui s’annonce décisive pour le titre de champion de Tunisie, n’augure rien de bon et nous amène à penser que quelque chose ne tourne pas rond dans notre société. D’ailleurs, les jeunes espérantistes qui, sur les forums de supporters, réclament la victoire «à la mémoire» de l’adolescent mort samedi dernier, n’ont pas réalisé la portée de ce drame qui aurait dû, au contraire, les amener à relativiser l’enjeu de ce match et à prendre du recul par rapport à leur propre passion.

Nous avions déjà signalé, dans le numéro 114 de notre journal, que quand de simples hobbies ou loisirs deviennent l’objet de passions maladives, c’était là le signe de problèmes sociaux évidents, le symptôme d’absence d’équilibre, quelque part, dans la vie des tunisiens. Si ces derniers font en sorte que d’un simple jeu, censé agrémenter leurs week-ends, le football devienne une question de vie ou de mort, c’est qu’il y a bien un problème.

Les drames de ces derniers jours méritent d’être pris au sérieux. Il s’agit là de symptômes de problèmes graves vécus par notre jeunesse. Celle-ci mérite qu’on se penche sur son cas.

I. K.

vendredi 27 février 2009

De la diffusion du classement d’International Living ou de la grossièreté de notre système d’information

Commençant par l’Agence TAP, se poursuivant par l’organe officiel La Presse qui lui a immédiatement consacré deux articles, et se répandant dans tous les mass media, officiels et pseudo-indépendants, le classement d’International Living a fait tâche d’huile dans notre pays. La Tunisie en tête des pays arabes où «il fait bon vivre» est le titre de tous les journaux.

Quelle est la source de ce «classement» ? Une organisation internationale inter-gouvernementale ou, du moins, une institution internationale spécialisée, reconnue, pense naturellement le public. Non, il s’agit d’une société privée de tourisme sans aucune compétence en la matière. Aucun des critères retenus n’émane de ses propres efforts ; tous sont repris de sources extérieures. Ils sont loin d’être rigoureusement définis et leur pondération n’est pas justifiée. Et contrairement à l’affirmation de l’agence TAP, International Living n’est PAS un observateur de la qualité de vie dans le monde.

Ce «classement» n’est pas le premier d’International Living. Et nos laudateurs auraient mieux fait de répercuter plus abondamment celui de l’année dernière car celui de cette année est en net recul : la note finale de la Tunisie est tombée de 59 à 56 et son classement a régressé de 15 places.


Nous ne voulons pas entrer davantage dans la logique de ce jeu qui n’en mérite pas tant. Nous ne pouvons, toutefois, faire l’économie de deux remarques essentielles. Quand bien même ce classement serait significatif et représentatif, les comparaisons de la Tunisie avec les pays arabes et avec les pays africains n’ont aucun sens car ce sont les deux zones les plus déprimées du monde ; c’est avec d’autres pays que la Tunisie est en compétition. La deuxième concerne le système d’information dans notre pays : le bruit fait autour de ce «classement» est révélateur de son sous-développement, de son absence d’esprit critique et, pire que tout, de sa capacité à répandre du superflu, surtout lorsque celui-ci est au service du Prince. Cette caractéristique n’est pas celle des médias des pays civilisés.

Mahmoud Ben Romdhane

lundi 23 février 2009

"Le pays où il fait bon vivre" !

A l’approche des grandes échéances électorales, la communication publique - officielle - se déploie dans tous les sens, et il lui arrive parfois de manquer de discernement, de retenue et de bon sens.

La semaine dernière, une ONG basée en Irlande, nous dit-on, nous gratifie d’un rapport et surtout, d’un classement, qui débordent d’éloges et de compliments à l’égard de ce pays «où il fait bon vivre» ! On apprendة par les médias officiels, que notre pays est classé «en tête des pays arabes» pour «sa qualité de vie», et que neuf critères ont été choisis pour dresser cette lumineuse taxinomie : «le coût de la vie», «l’offre culturelle et de loisirs», «l’économie», «la santé», «la sécurité» et…… «les libertés» (sic) ! Bien évidemment, on ne saura jamais les termes du protocole de cette étude, ni ses tenants et ses aboutissants, ni si tous les Tunisiens avaient été interrogés et surtout, comment ils l’auraient été ?... Et après tout…!

Le plus cocasse dans cette histoire, c’est que tous les grands médias ont été convoqués à la célébration de cet évènement en pavoisant sous toutes les coutures : des manchettes aux titres dithyrambiques ornent la Une des grands quotidiens, des stations de radio sollicitent les avis des «grands experts», et notre chaîne nationale de télévision s’offre même «le luxe» de louer des canaux satellitaires pour interviewer experts et universitaires arabes basés au Caire, à Beyrouth et même aux USA ! Evidemment, tous félicitent à cœur joie nos gouvernants pour ces performances «jamais atteintes dans aucun pays arabe». A écouter nos médias, à lire nos journalistes, à scruter les propos des experts et universitaires devenus orfèvres en la matière, on a l’impression que le Tunisien ne réalise pas son bonheur et sa chance de vivre dans ce pays !

A force d’entendre ressasser ce discours mirifique, on est amené à nous demander si ce pays dans lequel nous vivons ne s’est pas subitement métamorphosé à notre insu. Que les dizaines de jeunes désœuvrés qui se lancent dans l’aventure de l’immigration clandestine pour atteindre les côtes européennes au risque de leur vie, ne sont que mensonge et supercherie. Que les événements sociaux qui ont secoué les régions du bassin minier du Sud-Ouest du pays ainsi que le malaise social qui s’empare de plusieurs catégories de travailleurs ne sont que fumisteries ou épiphénomènes…. Et pour puiser encore plus dans les sources de l’imagination fertile des laudateurs de tous poils, pourquoi ne pas imaginer aussi que notre pays s’est mué en un havre de paix et de liberté où tous les démocrates et militants persécutés arabes trouvent - paisiblement - refuge ! Que des milliers de boat people venus des différents pays arabes débarquent - clandestinement - sur nos côtes, en quête d’un mieux-être dans «ce pays où il fait bon vivre», … Sur cette lancée, on peut aller encore plus loin, s’il le faut, au risque de nous fondre dans le ridicule et le burlesque.

En tout cas, si l’on se découvre une exaltation pour les classements de ce genre, je propose aussi que nos médias et nos experts patentés plongent leur regard adulé dans le dernier rapport 2008 de Reporters Sans Frontières (RSF) sur l’état de la liberté de la presse dans le monde, ou dans celui du Pnud à propos du développement humain dans le monde arabe, ou encore, dans celui de Transparency International qui dresse chaque année un état de la corruption dans le monde… On constatera ainsi que le tableau qui y est esquissé est plus nuancé.

Larbi Chouikha

dimanche 22 février 2009

"Mots d'après la guerre" d'Anouar Brahem : la déchirure

C’est de sensibilité qu’il s’agit dans ce film. La sensibilité du musicien transposée au cinéma : la caméra a remplacée le luth, les touches ont servi à la place des cordes et les séquences sont autant de partitions. Anouar Brahem a entrepris un voyage dans le Liban d’après l’agression israélienne de l’été 2006. Il est parti à la rencontre de ses amis, intellectuels et artistes, pour trouver des réponses à une demande intérieure, à un besoin de clarification, bref à un désarroi. D’ailleurs n’a-t-il pas déclaré à un journal de la place : « cette idée m’est tombée dessus de façon inattendue, un peu comme cette guerre qui est tombée sur le Liban ». Le trouble d’Anouar nous a tous habité tout le long de cette guerre, nous autres intellectuels prétendument laïques et modernistes, il a meublé nos discussions, suscité quelques petites polémiques sans commune mesure avec les déchirures qui ont traversé la société libanaise entre partisans et adversaires du Hezbollah, considéré par les uns comme le dernier rempart contre les velléités belliqueuses d’Israël, décrié par les autres pour avoir entrainé le Liban dans une guerre qui n’obéît qu’à un agenda iranien.

Anouar Brahem, conscient de la complexité de la situation libanaise, n’a pas voulu ajouter de la confusion à un moment extrêmement difficile. Il s’est effacé derrière sa caméra laissant les intervenants s’exprimer en toute liberté, sans désir de les orienter dans des directions préalablement arrêtées. Ce qui nous a valu de très forts moments de vérité et d’émotions. Je n’oublierai jamais le frisson qui m’a habité en voyant Pierre Abi Saab, l’intellectuel laïque et rationnel, envahi par l’émotion, s’arrêter pendant quelques instants ; les mots bloqués au fond de sa gorge ont laissé la place aux larmes. Pierre voulait pleurer, moi aussi et toute la salle avec. On avait l’impression qu’il n’y avait plus de film, la caméra s’est arrêtée et Pierre Abi Saab est devant nous. Fort moment de cinéma que nous a offert Anouar Brahem. Ses invités étaient nus devant nous car, par sa discrétion, il les a poussés à abandonner leurs présupposés idéologiques, pas forcément favorables au Hezbollah, et à exprimer des sentiments qui sont ceux de n’importe quel libanais entrain de voir la puissante armée d’un Etat militariste détruire ce qu’il a de plus cher, sa patrie. D’ailleurs, certains critiques libanais qui ont reproché à Anouar son parti pris pro Hezbollah ont tort du fait qu’eux même ne sont pas parvenus à se débarrasser de leur parti pris hostile au Hezbollah. Leur surprise fut grande quand ils ont constaté que les témoignages faits par les intervenants ne coïncidaient pas avec leurs discours politiques habituels. C’est cela la magie du vrai cinéma. Cette magie que seul l’art peut nous procurer et qui nous rappelle la fameuse phrase d’Oscar Wilde : « la vie imite l’Art plus que l’Art n’imite la vie ».

Anouar Brahem, en s’aventurant avec succès dans l’art cinématographique, a ajouté la touche et la sensibilité du musicien à celle du cinéaste de sorte qu’en plus du cerveau nous avons besoin d’un cœur pour voir le film.

Serions-nous rentrés grâce à Anouar Brahem dans une grande époque artistique, celle qui permet au musicien de réussir dans le cinéma, au plasticien d’exceller dans le théâtre, au danseur de jouer sa comédie…. ? L’unité de l’Art a fait dire à Charles Morice, théoricien du symbolisme, que « les grandes époques artistiques disent : l’art. Les époques médiocres disent : les arts ». Mais rassurons les ennemis de l’art, nous ne sommes pas, malgré le talent d’Anouar Brahem, à l’aube d’une grande époque artistique car, pour « donner une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée »(Platon), l’art a besoin de LIBERTE. Mais cela est une autre question.

Samir Taïeb

vendredi 20 février 2009

Vingt ans d'UMA. Trois questions à Ahmed Ounaïes

Attariq Aljadid : Le Traité de Marrakech a 20 ans, qu’est-ce que vous en pensez ?
Ahmed Ounaïes : Il faut saluer cette réalisation quelles qu’en soient les insuffisances. Le Traité de l’UMA a exprimé l’engagement sincère des cinq dirigeants de l’époque de créer enfin une institution commune qui réponde aux attentes des peuples et qui donne un sens aux espoirs nés du sommet de Zeralda. Ils réalisaient tous le tournant que représentait l’année 1989 dans le contexte régional et mondial. Leur volonté d’aller de l’avant l’emportait sur les inhibitions et sur les rancœurs qui clouaient encore une part de leur entourage. C’était un moment de rare convergence entre les cinq dirigeants, eux-mêmes porteurs d’une volonté profonde des peuples du Maghreb : ils ont tenu à fixer ce moment de fusion même si le traité en lui-même était loin de correspondre aux ambitions et aux exigences plus élevées de leurs peuples et qu’ils percevaient intensément en leur for intérieur. Cette date marque un grand moment de notre histoire commune. Il ne faut pas manquer de la célébrer et d’en rappeler la portée, parce que le traité de Marrakech dépasse les personnes et qu’il exprime la volonté profonde de la communauté maghrébine unie, solidaire et porteuse d’un grand rêve.

A. A. : Comment s’explique le blocage qui traîne depuis décembre 1994 ?
A. Ounaïes : C’est le volontarisme du Président Chadli Ben Jedid qui avait alors permis d’aller jusqu’au bout et de signer le traité. C’était évidemment un pari. Nous savons aujourd’hui que ce pari est perdu. Au cours de l’été 1982, Ben Jedid avait confié à un homme d’Etat tunisien : « Je ne voudrais pas passer dans l’histoire pour quelqu’un qui a bloqué l’édification du grand Maghreb. » Il a tenté, à son honneur, de forcer les résistances dès que les circonstances l’avaient permis. Tout prouve que sa bonne foi est entière et qu’à son niveau, il a réussi à faire une brèche, mais sans lendemain. Son entourage l’a rattrapé et a fini par reprendre le dessus. A mon sens, le blocage tient à un petit nombre de dirigeants algériens résolus à honorer le testament de Boumediene et à créer un 6e Etat dans le Maghreb, à tout prix, au prix d’une guerre et au prix du blocage de toute une politique régionale qui s’imposait dans l’intérêt supérieur de l’ensemble de la communauté maghrébine. Un 6e Etat indépendant et souverain dans le Maghreb n’est dans l’intérêt de personne.

A. A. : Doit-on garder l’espoir ?
A. Ounaïes : Certainement. L’Algérie a déjà accompli certaines révisions stratégiques : elle a enfin signé l’Accord d’Association avec l’Union Européenne qui signifie, entre autres, l’admission du Libre Echange : c’est un tournant dans la doctrine économique. Elle a également établi des relations positives avec l’OTAN : c’est un tournant dans la doctrine stratégique. Elle a dépassé la rhétorique idéologique qui avait dominé les années Boumediene. Il est clair qu’une rationalité politique moderne est désormais à l’œuvre dans la classe politique algérienne. Les contraintes externes, conjuguées à quelques évolutions intérieures, promettent, à moyen terme, des ajustements de convergence plus larges avec le Maroc et la Tunisie. A terme, l’évolution est inéluctable. Dans l’intervalle, il ne suffit pas de garder l’espoir, il faut changer la démarche et ouvrir le débat entre les hommes et les institutions au sein de la grande famille maghrébine : il faut parler en toute liberté des écueils qui entravent l’édification du Maghreb, surmonter les tabous et les non dits, poser les problèmes tels que nous les voyons en toute franchise. Cette démarche de franchise et de maturité n’a jamais prévalu jusqu’à présent dans nos relations intermaghrébines.

jeudi 19 février 2009

UMA : vous avez dit anniversaire ?

En écoutant, ce matin du mardi 17 février 2009, les différentes chaînes radiophoniques, privées et publiques, j’ai remarqué que toutes passaient des chansons marocaines et algériennes. Ceci provoqua mon étonnement, car cela faisait longtemps que, submergé par les chansons légères orientales et occidentales, je n’ai pas eu le plaisir d’apprécier la voix des Abdelouhab Doukali, Rabeh Diriassa, et autres Naima Samih…

J’ai compris, par la suite, et à la faveur de l’intervention de différents animateurs, que nous fêtions le vingtième anniversaire du Traité de l’UMA qui avait, en 1989, scellé l’union des cinq pays du grand Maghreb, dans une ambiance empreinte de joie et de solennité. Et là, d’un seul coup, une grande tristesse m’a envahi. Car je pris conscience subitement que, de ce traité qui, à l’époque, avait nourri de grands espoirs chez nos différents peuples, il ne restait rien, si ce n’est des slogans creux et une coquille institutionnelle vide à laquelle plus personne ne croit.

En effet, rien ou presque n’a été réalisé depuis 1989 : ni libre circulation des personnes et des biens, ni autoroutes ou voies ferrées reliant les principales villes des pays membres, ni même les débuts de l’esquisse d’une intégration économique – je ne suis pas assez naïf pour croire à une monnaie unique. Bref, aucune politique n’a été mise en œuvre, aucune mesure n’a été prise qui puisse nous rappeler qu’il existe un Traité d’Union entre l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie.

Après mûre réflexion, je me suis dit qu’une oraison funèbre aurait été, hélas, plus appropriée qu'un anniversaire !

Mohammed Ali Gherib

lundi 16 février 2009

Pénurie de producteurs !

Nous avons connu la pénurie du lait, celle des fameuses cigarettes locales (les 20 Mars légères), mais aussi d’un bon chasseur de buts pour l’équipe nationale, etc… Mais là, nous assistons à un phénomène tout à fait nouveau : la pénurie totale de producteurs d’émissions de télé sur notre chaîne nationale et la monopolisation du prime time et de l’access prime time par une seule société de production !

Cette dernière ne cesse d’alimenter notre chaîne nationale en produits télévisuels, d’émissions de jeux à la télé réalité en passant par les télénovelas. Seuls lui échappent, pour le moment, et sans exagérer, le JT, la météo et le sacro-saint Dimanche Sport. Mais sait-on jamais ???

Limitée à une émission ou deux, la collaboration avec cette boîte de production peut être compréhensible. Mais qu’elle devienne l’unique pourvoyeuse des émissions phares de notre chaîne nationale, c’est on ne peut plus problématique. Et cela pour au moins deux raisons :

1- Certes, il n’est pas interdit aux responsables de TV7 de chercher à attirer un public large et il n’est pas prohibé de vouloir assurer des recettes publicitaires conséquentes... Mais est-ce pour autant la vocation première d’une chaîne publique financée en partie par une redevance payée par les citoyens ? De même, le contenu des émissions proposées par cette boîte de production, composé essentiellement de divertissement et de recherche de l’émotionnel, ne semble pas aller de pair avec les objectifs d’une chaîne d’utilité publique. Certains pourraient nous rétorquer que le Tunisien a aussi le droit de se divertir. Et ils ont raison. Mais que la chaîne nationale range de côté les émissions d’information, de culture, de débats sur les préoccupations citoyennes pour ne devenir qu’une télé de divertissement et une entreprise financière rentable, c’est là un schéma qui me semble tout à fait dangereux.

2- A observer la scène nationale qui regorge de nombreux talents s’activant dans le milieu artistique et de la communication, il est évident que d’autres jeunes et moins jeunes éléments peuvent alimenter notre télévision d’émissions variées et de grande qualité. Toutefois, il semblerait qu’une priorité absolue soit donnée à cette boîte de production, au détriment de boîtes concurrentes. Une chaîne de télévision publique, même si elle est autonome de par son statut, se doit d’être ouverte sur tous les tunisiens et d’avoir pour souci constant de respecter les garanties relatives aux règles de transparence et d’équité.

Par ce billet, j’exprime mon espoir de voir notre chaîne nationale s’ouvrir davantage sur tous les talents compétents dans l’animation audiovisuelle. Je tiens aussi à exprimer mon souhait de voir sa programmation corrigée dans le sens d’une plus grande part consacrée aux émissions de débat citoyen et d’un contenu culturel de qualité.

MBJ

dimanche 15 février 2009

Bon retour au blog «DébaTunisie»

Nous déplorions, dans notre numéro du 13 décembre dernier, la censure par l’Agence Tunisienne de l’Internet (ATI) de l’un des meilleurs blogs tunisiens : «DébaTunisie», en le rendant inaccessible pour les internautes tunisiens, le privant ainsi plus de 85% de ses visiteurs.

Nous regrettions, alors, cette perte pour notre paysage médiatique, non seulement à cause de la crédibilité des informations et la finesse des analyses du jeune bloggeur -Z-, mais surtout à cause de son extraordinaire talent de caricaturiste. Ses caricatures renferment, en effet, une formidable capacité de dérision et agissent comme un antidote efficace contre la langue de bois qui nous assaille de partout.

La bonne nouvelle pour les internautes et ses nombreux fans, c’est que -Z- a réussi – momentanément ! – à contourner la censure de l’ATI et qu’il est, depuis quelques jours, de nouveau accessible à partir de la Tunisie.

Il nous revient avec une caricature qui s’inspire de récents événements tragiques liés à l’émigration clandestine et qui nous suggère que quelque chose ne tourne peut-être pas rond dans le «dialogue avec les jeunes». Bon retour parmi nous !

Baccar Gherib

samedi 14 février 2009

Elections Fifa : cuisant revers pour le représentant de la Tunisie

Le mercredi 11 février dernier, à Lagos, se sont déroulées les élections pour le siège du représentant de l’Afrique du Nord à la Fifa. Elles ont opposé le représentant de la Tunisie, M. Slim Chiboub, à celui de l’Egypte, M. Hani Abou Rida. Elles se sont soldées par un cuisant revers pour M. Chiboub qui n’a récolté que 9 voix, contre 43 à son adversaire !!

Pourtant, on nous assurait la veille, sur le plateau d’une émission de sport très suivie d’une chaîne privée, que ces élections ne seraient qu’une formalité pour le représentant de la Tunisie. D’abord, parce qu’il bénéficierait du soutien des personnalités les plus importantes du football mondial comme messieurs Blatter et Platini. Ensuite, parce que son adversaire serait sérieusement plombé par une grave affaire de corruption !! Il faut croire que quelque chose a dû échapper à nos journalistes et experts chevronnés.

Toujours est-il que cette défaite représente un sérieux revers pour les instances de notre football qu’il faudra longuement méditer pour pouvoir un jour redorer notre blason à l’échelle africaine. A bon entendeur, Salut !

IK

vendredi 13 février 2009

Silence ! Il ne faut plus se taire. Parole de Jimmy !

C’est l’histoire de Jimmy, l’un des premiers tunisiens atteints par le virus du Sida et expulsé de France à cause de ce «crime» qui, depuis, a fait de la lutte contre le Sida son combat de tous les instants. Fort apprécié à La Goulette, «son quartier» comme il aime à le répéter, il a élargi son rayon d’action à tous les quartiers populaires dans la limite de ses capacités physiques, étant lui-même malade. Il distribue des préservatifs à des jeunes prédisposés à l’inconscience, offre des conseils dans un langage, celui de la rue, qui «normalise» la maladie sans la banaliser, apostrophe les pouvoirs publics, coupables à ses yeux de ne pas faire suffisamment pour stopper le fléau et mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les PVVIH (personnes vivant avec le virus du Sida) et accuse la société arabo-musulmane de refouler la maladie et d’en faire un objet de l’inconscient plutôt qu’un sujet de la conscience humaine.

Tout ce travail est abattu par le seul Jimmy, dans une ambiance de décontraction et de complicité, n’hésitant pas, pour faire accepter le préservatif à un jeune, à lui offrir une canette de bière. Cette démarche intelligente, mise en valeur par la caméra de Karim Souaki, nous interpelle tous pour que nous nous joignions au combat de ce saltimbanque, fan de Hendrix et de Reggae et nous fait surtout réfléchir sur l’absence de finesse et d’intelligence dans la démarche des pouvoirs publics, trop sérieuse pour la tête des mômes et surtout dépourvue de sincérité et d’humanité. Voilà, le mot est lâché. HUMANITE. Tout le film est un questionnement sur le déni d’humanité pour les PVVIH de la part d’une société qui a instrumentalisé la maladie jusqu’à en faire un tabou dans le dessein de s’engouffrer davantage dans les méandres de la fermeture et de l’intolérance.

Quant à Jimmy, pourvu d’une notoriété internationale qui a fait de lui un ambassadeur en Afrique de la lutte contre le Sida, il continuera sa lutte toujours dans la bonne humeur, car «c’est dans l’absolue ignorance de notre raison d’être qu’est la racine de notre tristesse et de nos dégoûts» (Anatole France). Et Jimmy a trouvé sa raison d’être. C’est pour cela qu’il est heureux malgré ses souffrances car il soulage celles de ses compagnons, mais jusqu’à quand ? S’agissant d’un trésor épuisable, je suggère instamment aux ministres concernés par la lutte contre le Sida (et ils sont nombreux) de nommer Jimmy chargé de mission auprès d’eux tous et de mettre à sa disposition un minibus avec chauffeur et un stock de préservatifs et sa liberté de parole et d’action. Car d’instructions et de directives, il n’a nul besoin. Faute de miracle, il fera mieux, j’en suis sûr, que tous les programmes gouvernementaux de lutte contre la maladie qui nous coûtent la peau des f… et qui sont concoctés par des bureaucrates dépourvus, sur le Sida, de toute légitimité.

Courrez voir ce film, un vrai moment de tendresse et de réalité que seul le cinéma, le vrai, peut nous procurer. Karim Souaki a parlé vrai à la manière de Jean-Luc Godard qui ne veut «parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma, on parle de tout, on arrive à tout.»

Samir Taïeb

PS : ce documentaire est actuellement à l'affiche au CinémAfricArt (ex-Africa) jusqu'au 18 février, dans le cadre de la session Cinéma 2 docs.

lundi 9 février 2009

Démarrage de la campagne 2009 !

Une station de radio Kalima interdite de diffusion, ses locaux assiégés, son matériel confisqué et une procédure judiciaire engagée contre ses responsables ; le dernier numéro de notre journal Attariq Aljadid saisi ; des journalistes mis au carreau pour leurs velléités d'indépendance, d'autres traqués ou persécutés pour leur propension à la critique jugée excessive ; l'accès à Internet et aux mails pour certains devient un véritable calvaire ; un responsable du mouvement marocain des droits de l'homme refoulé du territoire ; la LTDH et ses sections toujours assiégées ; 33 personnes parmi lesquelles des syndicalistes condamnées à des peines de prison suite aux événements de Redeyef ; et le bureau de l'UGTT qui défie les syndicats de base en signant contre leur gré un accord d'augmentations salariales avec le gouvernement !

A tous ceux qui ne le savent pas encore, nous annonçons que la campagne électorale a bel et bien démarré !

Larbi Chouikha

Habib Belaïd écarté d'antenne

Le journaliste le plus talentueux de RTCI a été contraint de se séparer de son micro pour être affecté aux "archives" de la radio, apprend-on de bonne source. Il serait l'objet d'une sanction prise à son encontre par le directeur de la station. Triste sort réservé à cette voix pleine de tendresse et d'humanité à laquelle nous nous sommes tant habitués. Des interviews avec des personnalités au franc parler, de la musique engagée, des émissions aux sujets parfois audacieux... Habib Belaid a introduit sur les ondes un parfum de fraîcheur et de liberté en abordant des thèmes, en interrogeant des personnes, en diffusant des chants et de la musique qui se distinguent par leur originalité et surtout par leur anticonformisme.

Larbi Chouikha

PS : la photo a été empruntée au groupe Facebook "Pour le retour de Habib Belaïd sur les ondes de RTCI"

dimanche 8 février 2009

UGTT/universitaires : la gifle

Les universitaires n’en reviennent pas encore. Ils en sont encore sonnés… L’attitude du Bureau Exécutif (BE) de l’UGTT qui a pris l’initiative de signer, sans les informer, un accord sur des augmentations salariales largement en deçà de leurs revendications, les a fortement secoués.

Ils avaient pourtant cru s’être dûment protégés contre un tel mauvais scénario, en soulignant, lors de leur dernier conseil sectoriel, que toute nouvelle proposition d’augmentations devait leur être soumise avant tout éventuel accord. Mais le BE n’a pas respecté son engagement, il n’a pas tenu parole. Il s’agit donc bel et bien d’un «coup de poignard dans le dos», selon l’image expressive d’un syndicaliste de l’enseignement supérieur.

En se désolidarisant des revendications des universitaires et en les traitant avec une telle désinvolture, la Centrale Syndicale a tout simplement affiché son mépris à leur égard. Pour eux, c’est une véritable gifle qu’elle leur a administrée ! Et son effet sur l’avenir de l’action syndicale au sein de l’université risque d’être catastrophique.

Comme si l’inlassable et harassante lutte que les syndicalistes de l’enseignement supérieur mènent pour la reconnaissance et le respect de l’action syndicale face aux divers abus et intimidations ne suffisait pas, voilà qu’ils se trouvent, par ce désaveu, confrontés à un véritable problème de crédibilité… Un deuxième front dont ils se seraient fort bien passés ! C’est triste à dire, mais l’UGTT risque, par ce coup «magistral», de réussir là où l’autorité de tutelle a longtemps échoué : à savoir briser l’élan de l’action syndicale à l’université… Un véritable coup de grâce !

Il ne faut pas se voiler la face. Le coup tordu de l’UGTT ouvre une période de crise pour l’engagement syndical dans le secteur, et le rassemblement de protestation de samedi dernier a été l’expression d’un ras-le-bol et d’une colère, mais aussi, peut-être, d’un désespoir.

Certes, les difficultés matérielles des universitaires sont bien réelles, et la chute de leur pouvoir d’achat est tangible. Mais ce qui les a indignés le plus, ce n’est pas tant la faiblesse des augmentations obtenues que la manière avec laquelle ils ont été traités. Et, d’ailleurs, ils sont loin d’être dupes. Ils ont, lors de ce rassemblement, stigmatisé la gestion bureaucratique des luttes syndicales et les petits calculs électoralistes qui font que leurs revendications ne bénéficient pas souvent du soutien qu’elles méritent. Toutefois, le mépris affiché est une tout autre affaire. Et le discours rituel sur la «place particulière des universitaires» dans la Centrale syndicale ne convainc désormais plus personne.

Ainsi, cette gifle, qui vient après plusieurs années de luttes et de combats, a poussé certains universitaires à poser, pour la première fois depuis longtemps, la question de leur sortie de l’UGTT et de la fondation d’un syndicat autonome. C’est dire la gravité de la situation. Le BE, qui est à l’origine de la crise, doit assumer la responsabilité de la résoudre.

Baccar Gherib

samedi 7 février 2009

Procès des syndicalistes du bassin minier : les accusés accusent

Le verdict du procès des syndicalistes du bassin minier de Gafsa est tombé ; il reproduit, pour ainsi dire, celui décidé en première instance. Les peines prononcées à l’encontre des figures de proue du mouvement social sont extrêmement lourdes, simplement réduites de dix ans à huit ans d’emprisonnement ferme. Quel gâchis !

A la différence de leurs précédentes comparutions devant les tribunaux, les accusés ont pu, cette fois, parler. Et ce qu’ils ont tous dit, chacun à sa manière, est édifiant à plusieurs titres sur l’état de notre pays et a convaincu tous les observateurs qu’ils sont des hommes de raison, porteurs des préoccupations de leur population et de leur jeunesse, attachés à l’expression pacifique de leur mécontentement, rejetant et combattant la violence, les déprédations et les atteintes aux biens publics et recherchant le dialogue.

Les accusés que les observateurs ont entendus sont surprenants de dignité et de responsabilité. Chacun a son style, sa personnalité, mais tous ont parlé d’une seule voix : leur solidarité est communicative.

Ce qu’ils ont dit doit être connu de tous. Parce qu’il est d’une gravité extrême, interpellant solennellement la justice, le Parquet et les autorités politiques de notre pays. Qu’ont-ils dit aux juges et aux observateurs ?

Le comité de négociation : un comité de syndicalistes, constitué à la demande des autorités
Ils nous ont dit que ce sont les autorités régionales qui ont pris l’initiative, face au mécontentement et aux manifestations générées par le népotisme qui a caractérisé l’opération de recrutement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (et que le Chef de l’Etat a lui-même dénoncée), de demander à Adnene Hajji de constituer un comité pour négocier avec elles les termes d’une solution au problème. Un comité de cinq syndicalistes a donc été constitué à cet effet et a tenu de nombreuses séances de travail avec les autorités régionales, avec les responsables de la CPG, avec un représentant du Ministre de l’Intérieur, au siège du ministère et avec même le Ministre de la Santé! Des procès-verbaux de nombre de ces réunions existent et des progrès significatifs ont été réalisés dans la résolution des problèmes grâce à ce dialogue, ont déclaré aux jurés, les accusés.

"L comme Liberté"

Contre les fruits du dialogue, à chaque fois des tentatives de sabotage

Ils ont dit qu’à chaque fois qu’ils avaient trouvé un accord avec les autorités régionales et les autres parties prenantes, des tentatives de sabotage ont eu lieu. Des tentatives portant atteinte aux biens publics, telles que l’installation de tentes sur la voie ferrée pour empêcher les trains de marchandises de circuler au moment où la CPG avait besoin d’acheminer son phosphate vers les centres de transformation pour son exportation, à un moment où les cours internationaux étaient extrêmement favorables, le blocage de la circulation dans des endroits névralgiques et même des formes violentes, comme cela a été le cas avec l’attaque et la destruction du commissariat de Redeyef par des jets de pierres par une bande de jeunes masqués.

Les commanditaires des actes de violence : une bande connue, ayant des ramifications dans des lieux de pouvoir locaux
Les coordinateurs et les commanditaires de ces actions relèvent d’une seule et même bande (‘isaba’) ont répété de nombreux accusés. C’est cette bande, qui est connue de tous et dont certains dirigeants ont même été nommément désignés par des accusés, qu’il faut juger, ont-ils répété. Les accusés accusent des personnes du Comité de Coordination du RCD, du conseil municipal, des syndicalistes corrompus d’être les instigateurs de ces violences et de ces atteints aux biens et à l’ordre publics. Ils accusent les responsables des forces de l’ordre d’avoir été, en quelque sorte, leurs complices.

Ils demandent que ces gens soient tous jugés. Adnene et ses camarades disent qu’ils ont, à chaque fois, pris l’initiative, en compagnie de responsables régionaux, d’aller dénoncer ces actions et demander à leurs auteurs d’y mettre un terme. Ils demandent que ces responsables soient appelés pour témoigner.

Traitements dégradants, violence, harcèlements sexuels et tortures systématiques
Pratiquement tous les accusés se plaignent des brutalités, des mauvais traitements et des séances de torture qu’ils ont subis. Pluie de coups de la part de dizaines de membres de la police à l’occasion de leur première arrestation devant les locaux de l’Union locale de l’UGTT en présence de toute la population, durant leur transport et torture organisée durant les quatre jours de détention qu’a duré leur première arrestation.

Durant cette arrestation et durant les suivantes, pratiquement tous les accusés ont dénoncé les diverses formes de torture : la privation de sommeil pendant de nombreuses journées, le tabassage répété dans la position du «poulet rôti», la mise à genoux, complètement nu, et menaces de lui enfoncer un bâton si le détenu refuse de signer le procès-verbal de reconnaissance de sa culpabilité. Un des accusés a déclaré qu’il a dû signer, parce qu’on l’a menacé de lui amener sa mère et de la violer devant lui s’il n’obtempérait pas. Un autre accusé a dit qu’il couvrait une partie de son corps meurtrie par des coups et que son tortionnaire, s’en étant rendu compte, a pris un malin plaisir à lui retirer la main qui la couvrait pour y taper de plus belle avec ses collègues. Et des injures et des insanités qui ont fait dire à un accusé qu’il n’a jamais imaginé la richesse d’un tel lexique et une telle concentration en un même lieu et un en temps aussi court. Des noms de tortionnaires ont même été prononcés.

Pillage de biens privés, entrées par effraction dans des domiciles privés et vol de biens et d’argent de la part des forces de sécurité
Au-delà de ces pratiques inhumaines, ce que les accusés ont mis en exergue, c’est le pillage organisé de dizaines de magasins, l’entrée par effraction et le vol d’argent dans des domiciles, y compris de la part des forces de sécurité.

Quand on a entendu cela, rester silencieux est un crime.

A plusieurs titres, les pouvoirs publics sont interpellés. Il est de leur devoir d’engager sans plus tarder les enquêtes et de faire toute la lumière sur ces accusations qui flétrissent notre pays et ses institutions. Et si ces accusations étaient avérées, il est impératif que ces autorités signifient à toutes les Tunisiennes et à tous les Tunisiens qu’elles ne laisseront «Plus jamais çà !»

Mahmoud Ben Romdhane