vendredi 30 avril 2010

Massacre sur la toile

Les temps sont tristes pour les internautes tunisiens. Depuis quelques jours, une vague de censure sans précédent frappe de plein fouet Internet, en particulier son pendant tunisien la blogosphère tunisienne, l'un des rares espaces virtuels de libre expression relativement épargné par la censure.

La campagne de fauchage systématique a commencé au début de la semaine dernière. Les habitués des éditions de journaux français en ligne ont été surpris de se voir refuser l'accès aux sites du Nouvel Observateur, Rue89.com, un journal en ligne indépendant lancé par des transfuges de Libération qui se démarque du mainstream, et 20Minutes, le site du journal gratuit le plus lu France. A peine remis de leurs émotions, les internautes tunisiens constatent avec stupeur le verrouillage en série de ce qui reste de sites sociaux de partage de vidéos en ligne. Le ton avait déjà été donné la veille de la commémoration de la fête de l'indépendance (choix délibéré ou fortuit ?) avec la disparition de Wat.tv, célèbre plate-forme de partage de vidéos en ligne de TF1 qui compte parmi les sites les plus prisés par les internautes tunisiens pour son contenu surtout musical. Cette fois-ci, ce sont respectivement Metacafe, Blip.tv et Vidoemo qui rejoignent ainsi le grand cimetière numérique tunisien où reposent déjà deux mastodontes, Dailymotion et Youtube, définitivement mis sous silence depuis 2007.

Vendredi 23 avril, les lecteurs d'Attariq Al Jadid sur Internet n'arrivaient plus à accéder au site du journal
(1). Dans la foulée, le blog des Amis d'Attariq, qui reprend des articles de ce journal, est lui aussi verrouillé. Une campagne de mobilisation s'en est immédiatement suivie sur Facebook pour demander le retour de ces deux sites.

Mais le massacre cybernétique ne s'est pas arrêté là. Le mardi 27 avril était une journée noire pour la blogosphère tunisienne. Les blogs tunisiens les plus populaires passaient, un à un, à la trappe. Au total, 11 blogs sont massivement expulsés de la toile dont celui de la star de la blogosphère, Big Trap Boy, qui a habitué les internautes à ces notes caustiques en dialecte tunisien, raillant nos travers sociaux et ironisant sur la régression intellectuelle et sociale que connaît notre pays depuis quelques années. La liste des victimes du "mardi noir" comprend également des blogueurs actifs et prolifiques tels que Carpe Diem, auteur d'analyses socio-politiques fouillées sur la Tunisie mais aussi Ounormal, Bent Ayla, Antikor, Articuler et Stupeur... (2). Le blog de Tarek Kahlaoui, l'un des leaders de la blogosphère, un universitaire tunisien installé aux Etats-Unis, avait déjà connu le même sort quelques jours auparavant. La censure ne s'est pas contentée de viser les blogs, elle a aussi touché les deux autres principaux agrégateurs de blogs tunisiens, Tuniblogs et Tunisr, bloqués entre le 21 et le 23 avril derniers.

Au moment où l'on pensait que ce massacre à la tronçonneuse numérique touchait à sa fin,
le lendemain en début de soirée les amateurs de photo découvraient avec étonnement qu'il ne leur était plus possible d'accéder à Flickr, le plus grand site au monde de partage de photos en ligne.

Avec cette campagne de censure systématique, beaucoup craignent que
Facebook, le dernier espace de liberté virtuel qui reste aux tunisiens, soit prochainement enterré par les censeurs de la toile.

A défaut de connaître les véritables auteurs du verrouillage d'Internet en Tunisie, internautes, blogueurs et plus récemment facebookers pointent du doigt Ammar 404, la "mascotte" de la censure Made in Tunisia, le chiffre 404 faisant référence au code d'erreur qui apparaît sur les pages verrouillées lorsque l'internaute tunisien tente d'y accéder. Ammar étant un prénom générique censé désigner le censeur anonyme caché derrière une obscure machine administrative sourde, sans foi ni loi. Ammar 404 est moqué, raillé, vilipendé à longueur de journée dans la blogosphère tunisienne et sur Facebook. On ne compte plus les caricatures qui le mettent en scène, les notes sarcastiques qui sont lui sont dédiées sur les blogs ou les quolibets qui lui sont lancés par les internautes tunisiens.

Face à la censure, les internautes tunisiens se sont pas restés les bras croisés. Sur la blogosphère la machine de la dénonciation a carburé à travers les innombrables notes de solidarité dédiés aux blogs verrouillés. Sur Facebook, un groupe a même été créé,
"Le "404 Not Found" nuit gravement à l'image de mon pays" pour dénoncer les effets de la censure sur l'image de marque, déjà passablement écornée, de la Tunisie dans le monde. Un appel à pétition (dont le site a lui aussi été bloqué !) circule aussi sur le réseau social visant à rassembler 10 000 signature contre la censure d'Internet en Tunisie et les facebookers se mobilisent pour une campagne en ligne contre le fameux Ammar 404 où l'internaute est invité a exprimer avec une photo son opposition à la censure.


L'initiative la plus sérieuse dans ce domaine est l'œuvre de Tarek Kahlaoui. L'universitaire tunisien, victime lui aussi de la censure de son blog, promeut une "initiative populaire" qui dépasse les campagnes habituelles de dénonciation pour revendiquer le "droit à l'expression et à la navigation sur Internet" en "combattant la censure" à travers une démarche "collective" pour "faire pression sur l'appareil de la censure".

Le quotidien virtuel de l'internaute tunisien s'assombrit dans un espace cybernétique qui, jour après jour, se réduit comme une peau de chagrin. Mais les internautes ne s'avouent pas vaincus et se mobilisant tant bien que mal dans tous les espaces possibles qui leurs sont offerts pour défendre chèrement une liberté garantie par l'article 8 de la constitution du pays mais paradoxalement menacée par un appareil occulte aux desseins obscurs.

(1) Le site d'Attariq Al Jadid connait, depuis, des coupures intermittentes inexplicables.
(2) Ces blogs sont désormais consultables grâce au site Sbo33 for 3Ammar qui leur permet de réapparaître sur le toile.

Hédi Ben Smail

Crédit image Le Blog de Nicolas Bordas

Lettre ouverte à Mme le Secrétaire d’État chargée de l'Internet: Levez la censure des Amis d'Attariq


Nous vous écrivons parce que vous êtes responsable de l’Agence Tunisienne de l’Internet (ATI) – que vous avez vous-même dirigée, fin 2007 – pour vous informer que celle-ci a censuré le blog Les Amis d’Attariq qui, depuis vendredi 23 avril, est inaccessible depuis la Tunisie.

Mme le Secrétaire d’État,

Ce blog se contente de poster, toutes les semaines, un choix des articles publiés dans l’hebdomadaire Attariq Aljadid qui est, vous n’êtes pas sans le savoir, un journal édité par un parti légal – le Mouvement Ettajdid – et, normalement, diffusé et vendu à travers tout le territoire de la République. Dès lors, si l’on part du principe que la libre diffusion du journal atteste d’un contenu conforme aux exigences de la loi, il est proprement inconcevable et tout à fait scandaleux que l’ATI prenne la liberté de le censurer, sur Internet.

Mme le Secrétaire d’État,

En cautionnant de telles pratiques à l’ATI, vous assumez la lourde responsabilité, devant le peuple et l’Histoire, d’interdire la liberté d’expression qui n’est pas la moindre des libertés dans une société (et pour un pouvoir qui se veut) moderne ! Et, ce faisant, vous contribuez à nuire encore plus à l’image de notre pays.

Mme le Secrétaire d’État,

Depuis vendredi dernier, de nombreux sites, des blogs se distinguant par leur qualité et, surtout, des profils sur Facebook sont inaccessibles ou désactivés. C’est un véritable Tsunami de censure qui s’abat sur la toile tunisienne qui était, en Tunisie, l’un des derniers refuges de la liberté de penser et de critiquer. Si ce triste choix de l’ATI n’est pas revu, en cette année de la jeunesse, le gouvernement auquel vous appartenez risque de se couper définitivement de ses jeunes, des meilleurs d’entre eux.

Mme le Secrétaire d’État,

Nous espérons que, pour la justice et l’image du pays, vous prendrez rapidement la décision de lever la censure du blog Les amis d’Attariq et celle de tous les autres blogs.

Attariq Aljadid

jeudi 29 avril 2010

Le retour des Amis d'Attariq

Les blog des Amis d'Attariq est de retour avec une nouvelle adresse.

La liberté de s'exprimer est garantie par la constitution de notre pays. L'action de blocage qui a touché notre blog est donc illégale et anticonstitutionnelle.

Nous rappelons notre solidarité active et totale avec tous les internautes tunisiens qui subissent le blocage de leurs blogs, sites ou profils personnels sur les réseaux sociaux.

dimanche 25 avril 2010

Censure du blog des Amis d'Attariq et du site d'Attariq El Jadid

Les sites de notre blog, les Amis d'Attariq, et du journal Attariq Al Jadid sont inaccessibles en Tunisie depuis le vendredi 23 avril dernier. Nous n'avons aucune explication à ce verrouillage soudain de l'accès à ces sites. Nous appelons nos amis blogueurs et facebookers à la mobilisation pour le retour des ces sites de la pensée libre et progressiste.

PS : le site du journal Attariq Al Jadid fait de brèves réapparitions avant de disparaître à nouveau.

mercredi 21 avril 2010

Aam Hamda El Aattel de Mohamed Salah Fliss: A la mémoire de son père, pour vaincre l’oubli!

Quand des ex-prisonniers politiques sous l’ère Bourguiba se rencontrent pour parler des années de souffrance et des privations qu’ils ont endurées dans leur tendre jeunesse, c’est d’abord l’émotion qui les étreint, et celle-ci est perceptible dans leurs propos et leurs témoignages. Avec Mohamed Salah Fliss, alias Khalifa du temps de la clandestinité militante, l’émotion est encore plus intense et plus chargée, surtout quand pour nous narrer sa vie carcérale et militante dans Al Aamel Ettounssi, il convoque - affectueusement - la mémoire de son père, Aam Hamda, docker à Bizerte.

Aam Hamda n’est ni philosophe, ni idéologue et encore moins militant, mais quand je l’observe dans sa vie de tous les jours et je l’écoute parler des événements et des problèmes contemporain avec une telle simplicité, j’apprends et je me renseigne encore plus, et je me sens davantage résolu et aguerri dans mes engagements politiques, confie t-il à la cinquantaine de présents, essentiellement des militants de sa génération et d’anciens condamnés politiques, réunis, jeudi dernier pour la séance de dédicace de son ouvrage autobiographique, à l’espace Arts Libris de notre ami Raouf Dakhlaoui.

La lecture de l’ouvrage nous fait découvrir un Mohamed Salah attendrissant, sensible aux personnes qui l’entourent, mais aussi aux choses de la vie, aux valeurs auxquelles il demeure toujours attaché, à son rapport charnel à sa ville, Bizerte…Mais c’est aussi un personnage lucide et attrayant, qui exprime, sans fard, toute sa gratitude pour des personnes pleines de bonté qu’il a côtoyées dans cet univers carcéral, comme le Dr Moncef Ben Ayed, médecin des prisonniers de Borj Erroumi, auquel il rend un vibrant hommage.

Les épreuves? Mohamed Salah en a connues et les a vécues sous toutes leurs coutures, du fait des engagements qu’il affichait courageusement et, parfois même, avec acharnement. Mais l’épreuve la plus douloureuse qu’il ait eu à subir fut celle de l’annonce du décès de son père, un certain 19 mars 1979 après-midi, par l’administration pénitentiaire! Après moult démarches et insistance, il fut autorisé à aller se recueillir devant sa dépouille, dans la maison familiale, et à assister aux obsèques, mais toujours…escorté de ses gardes!

Truffé d’anecdotes, d’histoires de vie singulières, de témoignages vivants, de récits de la vie carcérale, ce livre se donne à lire comme le scénario d’un film focalisé sur un pan de notre mémoire politique, qui demeure, cependant, encore méconnu par la quasi totalité de nos jeunes, et pour cause! Aujourd’hui, le fait même d’évoquer sur la place publique le passé de ces militants qui furent persécutés, torturés et incarcérés n’est pas du tout évident. D’abord, les conditions minimales ne sont pas réunies pour qu’un débat libre, contradictoire et serein sur les années de répression sous Bourguiba puisse se déployer partout, à l’Université, dans les médias, y compris sur les chaînes de télévisions nationales… Mais, paradoxalement, la figure même du Bourguiba répressif et autoritaire tend à être masquée par celle du chef charismatique, à l’intelligence alerte, à la vision perspicace et aux réalisations progressistes incontestables… Ensuite, il y a la manière avec laquelle des dignitaires souhaiteraient «tourner» officiellement cette page de l’histoire du pays en feignant d’occulter les leçons du passé et les responsabilités qu’elles induisent. Fort heureusement, le passé finit toujours par rattraper tout le monde, y compris ceux qui s’obstinent à vouloir l’enterrer. Et force est de constater que, depuis une année, pas moins de quatre ouvrages, écrits par des anciens de Perspectives et d’Al Aamel Ettounssi, victimes de la répression du régime de Bourguiba, ont vu le jour. En plus de celui de Mohamed Salah, citons aussi ceux de Gilbert Naccache, de Fethi Ben Hadj Yahyia, sans oublier l’ouvrage posthume de Mohamed Charfi; D’autre part, les pièces de théâtre Khamssoun et Yahyia Yaïche de Fadhel Jaïbi viennent - rafraîchir quelque peu - la mémoire de ceux qui sombrent - facilement - dans un semblant d’amnés

Un fait mérite toutefois d’être rappelé à chaque fois; la cohésion nationale, l’histoire d’un peuple, le devenir d’une nation, l’attachement à la patrie… ne peuvent se construire, se déployer, s’affirmer, évoluer harmonieusement quand un pan entier de notre histoire politique demeure relégué à «l’oubli»!.

Larbi Chouikha

Le football malade… de notre société et de notre politique

Les graves débordements d’une partie des supporters de l’Espérance de Tunis pendant le match qui opposa leur équipe à celle d’Hammam-Lif et les durs affrontements qui les opposèrent ensuite aux forces de l’ordre ont suscité, légitimement, une forte émotion et ont occupé la une des médias pendant plusieurs jours. Bref, c’est le sujet de l’heure: condamnations, rappels à l’ordre, interrogations et propositions de prévention ou de remèdes se sont succédé sur les pages des journaux et à l’occasion de dossiers télévisés. Nous revenons, pour ce qui nous concerne, sur ces événements en proposant une lecture qui situe la passion exagérée des supporters dans son contexte social, qui fait le point sur le phénomène des ultras et l’inanité de son traitement sécuritaire et, enfin, sur la médiocrité de nos dirigeants sportifs.

Dépassionner les débats?

Dépassionner les débats, relativiser les enjeux, rappeler que le football n’est après tout qu’un jeu. Tout cela est sensé, sage et doit être dit. Mais, hélas! ça reste en porte-à-faux avec notre réalité sociale. L’intérêt, sinon la passion, pour le football y occupe une place exagérée, tout à fait disproportionnée. Regardez la part de ses émissions que consacre notre télé nationale à la transmission des matchs et à l’actualité du foot. Idem pour la radio et les journaux. Or, ceci n’est pas l’état normal des choses. C’est même le symptôme d’une situation malsaine, d’un état maladif de la société qui fait que, par un jeu de vases communicants, l’intérêt pour le foot ait occupé, en particulier chez nos jeunes, les places laissées vides de la lecture, de la culture ou, plus généralement, de l’implication dans la vie de la cité. Vus sous cet angle, les appels à la relativisation des enjeux apparaissent comme tardifs et inopérants. D’autant plus que le monde des supporters a vu l’apparition, ces dernières années, d’un phénomène nouveau: celui des groupes dits ultras qui a suscité certaines mesures pas très heureuses de la part des autorités.

Le phénomène ultra et son traitement maladroit

Comme leur nom l’indique, les ultras se veulent comme les supporters les plus radicaux – d’autres diront les plus fanatiques – d’un club de football. Leur moyenne d’âge est basse et ils se distinguent des autres supporters par leur manière d’encourager leur équipe: ils ont leurs propres signes distinctifs et, 90 minutes durant, ils chantent la gloire de leur club et la leur. Comme leur passion, leurs chants – repris d’ailleurs par les autres supporters – sont excessifs. Ils ont une tonalité guerrière: on y évoque souvent la guerre, la révolution, des commandos, le martyr et, logiquement, la volonté d’en découdre. Ainsi, tout en promouvant un aspect festif sur les gradins, à travers les belles chorégraphies qu’ils improvisaient, les ultras inquiétaient les autorités qui décidèrent de réagir pour juguler le phénomène.

Toutefois, on ne peut pas dire que les mesures prises par les autorités aient été fines ou adroites. Il s’agissait, pour elles, de faire que ces groupes n’existassent plus. D’abord, en leur enlevant toute visibilité. Autrement dit, en combattant leurs signes particuliers: exit leurs drapeaux, leurs maillots et leurs casquettes, l’effigie du Che étant particulièrement indésirable. Or, l’application de ces mesures s’est traduite, dans les faits, par toute une série de petites humiliations que devait endurer le supporter moyen pour entrer au stade: confiscation de drapeaux, de casquettes et, pire, de tee-shirts, obligeant parfois des jeunes à rester torse nu durant tout un match!

Ensuite, en prenant la décision, au début de cette année, de dissoudre ces groupes. Ce qui est pour le moins paradoxal, parce que ceux-ci n’ont aucune existence officielle, étant des formations spontanées au sein du public des grands clubs… Néanmoins, c’était là le signe qu’on n’allait plus les tolérer et qu’on allait les combattre par tous les moyens. Mais, au vu de ce qui s’est passé le 8 avril dernier, on est en droit de s’interroger si la traque, le harcèlement et l’interdiction de ces groupes aient été le bon choix. Les tolérer et identifier des vis-à-vis ou des relais avec cette frange du public n’aurait pas été plus judicieux que le choix de la répression tous azimuts, d’autant que la violence qu’on leur imputait était encore potentielle et ne s’était pas vraiment manifestée sur le terrain?

Par ailleurs, et comme nous le soulignions dès le début, nous pensons que, quelles que soient leurs tares, les ultras ne peuvent être tenus pour les uniques coupables des dérives de notre football. Nous sommes pour une saisie globale du phénomène de la violence. Et, à ce niveau, on ne peut occulter le triste rôle joué par les «dirigeants» de notre football dont plusieurs, hélas ! ne brillent pas par leurs qualités intellectuelles ou morales!

La médiocrité de nos dirigeants

On ne le sait peut-être pas, mais il ne se passe pas une semaine sans qu’un dirigeant de club (souvent son président) ne soit convoqué par la commission de discipline de la Fédération tunisienne de football. Au menu des errements de ces «responsables» sportifs, on trouve de tout: déclarations intempestives – propres à enflammer les esprits – mettant en doute la neutralité et la probité des instances fédérales, l’évocation de complots ourdis dans les coulisses contre les intérêts de leur club, tentatives de corruption d’adversaires, invasion de terrain et agression, souvent verbale, parfois physique, de l’arbitre ou d’un joueur adverse, etc… ça laisse songeur!

Or, à ce niveau, la responsabilité des pouvoirs publics est clairement engagée. Qui ne sait, en effet, que les présidents de clubs, ceux des grandes villes, comme ceux des villages les plus reculés, sont d’une certaine manière cooptés – sinon désignés – par les autorités régionales, le gouverneur présidant souvent les assemblées générales «électives»? Pourquoi, malgré l’existence de profils de qualité dans le monde du sport et de gens compétents dans l’entourage des clubs, le choix tombe souvent sur ceux qui, à la télé ou sur les journaux, réagissent comme des supporters moyens, justifiant les défaites par l’arbitrage, le complot ou trafics en tout genre ? Comment ne pas voir, dans ce contexte, que ce type de déclarations fait monter la tension de plusieurs crans et que les risques de dérapages sont multipliés… et qu’il suffit, souvent, d’une petite étincelle pour mettre le feu aux poudres!

On le voit, la problématique de la violence dans nos stades est complexe, et elle doit être saisie dans sa globalité. Il ne sert à rien, sous le coup de l’émotion, de s’empresser de chercher un coupable pour le désigner à la vindicte populaire et en faire un bouc émissaire. On ne ferait, ainsi, qu’esquiver les vrais problèmes et passer à côté de leur traitement. L’autorité de tutelle a du pain sur la planche : on espère que, dans sa démarche, elle s’occupera un peu plus de jeunesse que de sport, qu’elle essaie de faire en sorte que notre jeunesse s’intéresse au sport, mais aussi à plein d’autres choses, tout aussi passionnantes!

samedi 17 avril 2010

Une du n° 176 (en français)

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Une du n° 176

Dans les meilleurs kiosques!

Evénements du 9 avril 1938 : A-t-on les moyens de cultiver cette mémoire?

A l’occasion de la célébration de la «fête des martyrs», Hannibal TV a eu l’heureuse initiative de sortir des sentiers battus, des phrases convenues et ressassées, pour aller dans la rue interroger de jeunes Tunisiens à propos de cet épisode clé de notre histoire contemporaine. Et ô stupeur! on a constaté, sur le plateau de l’émission, que le micro-trottoir a révélé l’ignorance quasi-totale chez nos jeunes des événements du 9 avril et, plus généralement, de l’histoire du mouvement national tunisien, de ses grandes figures et de ses martyrs.

Alors, sur le même plateau, on a déclaré sa consternation, on s’est indigné, on a évoqué une culture générale défaillante, on a accusé les programmes scolaires et, impuissants, on a fini par exprimer, solennellement, sa tristesse! Mais il n’est venu à l’esprit d’aucun participant au débat de dire que le problème posé par cette absence de mémoire était sans doute plus profond qu’une culture lacunaire ou des programmes mal pensés… que ce qui est en jeu n’est rien de moins qu’une question de valeurs!

Oui, de valeurs! car pour cultiver la mémoire des martyrs et honorer leur sacrifice, encore faut-il porter soi-même haut et fort la valeur de l’engagement, donner un peu de son temps et de ses efforts pour une cause d’intérêt général et accepter de courir des risques pour elle. Hélas! Il n’est pas besoin d’être particulièrement perspicace pour constater que cette vertu est en train de disparaître de notre horizon mental et qu’on assiste, chez nous, surtout parmi les jeunes, à une vague implacable de dépolitisation et, corollairement, à un repli sur la sphère domestique.

Dès lors, il ne sert à rien de feindre la surprise, de crier au scandale ou de stigmatiser cette jeunesse sans mémoire. Celle-ci n’est en fin de compte qu’une victime. Elle est le produit de tout un dispositif – politique et social – efficace et diffus l’invitant sans cesse à s’occuper exclusivement de … ses affaires! On ne peut, donc, exiger d’elle de chérir l’engagement et, dans le même temps, l’en détourner par tous les moyens. Pour faire court, disons que seule une société vraiment libre est à même de cultiver la mémoire de ceux qui se sont battus pour elle. C’est peut-être aussi simple que cela!

Baccar Gherib

vendredi 9 avril 2010

"JENDOUBA EXPRESS"

Tous les ans à la même époque, j'ai pour habitude de faire un aller-retour Tunis-Ghardimaou, sans pratiquement descendre du train. J'appelle cela ma cure de chlorophylle : c'est la vallée de la Medjerda, dans un sens puis dans l'autre. Deux perceptions spatiales différentes. C'est aussi une magnifique lecture dans le texte du paysage.

21 dinars, première classe : voiture vieillotte et malodorante , vitres sales d'un côté comme de l'autre,, rideaux vénitiens tordus et bloqués, portières déboîtées et grinçantes, buvette dégoûtante et hors service, le « casse-croûteur » à l'identique…Quant aux toilettes, il vaudrait mieux les condamner, et tant pis pour le voyageur…d'ailleurs, ce n'est pas compris dans le prix. Un train de brousse en quelque sorte !

Et comme le ridicule chez nous ne tue plus, une plaque à l'intérieur de la voiture porte l'inscription : « 24 places assises et 11 debout ». Drôle de conception du confort en première classe de la part de notre société nationale !

Réponse des contrôleurs " Nous n'avons pas le temps de nettoyer les voitures" (sic), trop facile !
Dois-je continuer ? C'est inutile : les réponses sont connues d'avance, toujours les mêmes, toujours la même litote.

Je m'installe donc dans le sens de la marche et m'accommode –difficilement- de cet inconfort pour le spectacle que je me promettais.

Hélas ! Très vite, le long de la voie, les décharges se succèdent sur des kilomètres, et systématiquement à l'entrée et à la sortie de chaque gare, avec, comme animation intermédiaire, une lapidation en règle du convoi par des garnements. Pourtant, je me suis laissé dire qu'il existe bien un service de la voie prévu à cet effet !

Serait-ce là une réponse légitime, au mépris du citoyen et du patrimoine roulant ? Quelque part cela semble en être une. Le citoyen est-il en droit d'avoir de vraies réponses, alors que " l'excellence" est sans cesse claironnée ?

Le retour sur Tunis coïncidait avec la rentrée du Mouled.

Dans la même voiture, que je n'ai pas quittée, de peur de perdre ma place, 24 voyageurs assis et… 85 debout dans les allées ! On étouffe, littéralement. Où est le contrôle sur les quais de l'accès aux voitures?

En cas d'accident, je n'ose même pas penser à ce que cela pourrait être, en dehors des excuses de circonstance.

La permanence de la clochardisation du matériel roulant constaté depuis longtemps déjà est devenue une espèce de nouvelle culture. Elle ne choque plus personne. Tout le monde est content. C'est la faute à la routine.

La rumeur parle de rajeunir le matériel. C'est bien, mais ce n'est pas suffisant : les mentalités auraient tout autant besoin de changer, elles aussi. Après ce constat peu reluisant, et décourageant, j'ai remisé mon militantisme pour la réhabilitation de la ligne Mateur-Tabarka, si belle et si utile pour la région des " Khmir", qui en ont pourtant réellement besoin.

Franchement, Monsieur le PDG, un peu d'efforts !!

D'ailleurs, à propos, vous est-il arrivé de prendre le train ? Je parie que non.

Farouk Ben Miled

Les nouveaux éradicateurs

Le Facebook tunisien et arabe a connu une semaine tumultueuse. Tout a commencé avec la disparition mystérieuse de plusieurs profils de facebookers tunisiens et étrangers (notamment égyptiens). Le buzz a vite fait le tour du réseau social, surtout que parmi les "portés disparus" figuraient les profils d'illustres blogueurs tunisiens comme Big Trap Boy, Massir ou encore Zabrat. Derrière cette vague de disparitions se trouve un mystérieux groupe : المبيد الحشري الفايسبوكي, littéralement "l'insecticide facebookéen". Les créateurs de ce groupe aux relents éradicateurs se sont promis de bannir les "athées, les prosélytes chrétiens et tous les propagateurs de contrevérités dans le Monde Arabe". Vaste programme! à l'application duquel ils se sont immédiatement attelés en diffusant sur la page du groupe la liste noire, mise à jour en permanence, des profils à éliminer. On y trouve essentiellement les défenseurs d'une pensée progressiste, critique vis-à-vis du discours dominant sur la religion, appelant à l'émancipation de la femme ou encore défendant la laïcité. Pour les bannir de Facebook, ces éradicateurs virtuels ont suivi une démarche simple qui profite de la politique floue de Facebook en matière de liberté d'expression. Il s'agit de signaler en masse les profils indésirables, acculant ainsi les administrateurs du réseau social à les bannir. Mais la riposte ne s'est pas faite attendre. Car les victimes de ce puissant insecticide virtuel ont utilisé les ressources de Facebook pour organiser une véritable mobilisation destinée à contrer leurs "bourreaux". Des groupes, notamment من أجل إغلاق صفحة المبيد الحشري الفايسبوكي ou encore TOUS UNIS CONTRE LE GROUPE المبيد الحشري الفايسبوكي ont donc été créés pour lancer la contre-offensive. Le résultat a été efficace puisque le groupe de "l'insecticide facebookéen" a disparu de la Toile après une brève réapparition qui a fait long feu.

Cette affaire nous interpelle sur le statut de la liberté d'expression et l'usage qui en est fait sur Internet, en particulier les réseaux sociaux qui connaissent un succès grandissant depuis quelques années devenant le label du renouveau du Web, communément appelé Web 2.0. Il s'avère aisé de discréditer l'autre au nom de ses propres principes religieux, moraux ou intellectuels. Le caractère même du Web, espace complexe et infini de confrontation d'idées, rend la modération et la médiation difficiles. Dans le cas de Facebook, la politique ambiguë des administrateurs dans ce domaine ne facilite pas les choses. Ces derniers sont coincés entre la nécessité pour eux - pour des raisons commerciales évidentes - d'ouvrir le réseau social au maximum d'internautes et celle de faire respecter un minimum de règles. Reste à le faire dans un espace qui compte aujourd'hui plus de 300 millions d'utilisateurs (dont plus d'un million de Tunisiens).

Hédi Ben Smail

dimanche 4 avril 2010

Monodrames de l’indépendance : Les mises en scène bourguibiennes du pouvoir entre 1956 et 1970

La séduction et la fascination qu’exerçait le corps bourguibien offert au désir de ses sujets[1] constituent des dimensions essentielles -malheureusement peu explorées- pour l’intelligence du régime bourguibien. Ces corps-à-corps entre un leader et une masse subjuguée par son verbe conféraient à la relation de Bourguiba avec son peuple un caractère quasi fusionnel. Durant la première décennie de l’indépendance de la Tunisie, les « monodrames bourguibiens » auront constitué l’essentiel du spectacle politique du jeune Etat tunisien. Tragiques, comiques, lyriques et poétiques, les performances du «Combattant suprême» «prenaient» parce qu’elles étaient servies par un homme d’Etat qui a su insuffler de la chair et de la vie aux mots, doublé d’un acteur hors pair qui a su les incarner.

Au confinement des beys, à l’humilité de leurs mises en scènes, Bourguiba va substituer la «surprésence» et «l’hypervisibilité». Durant les premières années de l’indépendance, Bourguiba sillonne le pays, ses entrées dans les différentes localités visitées, à dos de cheval ou en voiture découverte, constituent des moments privilégiés d’exposition du corps du pouvoir.

Aux entrées dans les villes, succède le discours, prononcé à partir d’une tribune improvisée, dans la place principale de la ville ou du village. Ces véritables performances oratoires constituent le moment clé des mises en scènes bourguibiennes. Le «Combattant Suprême» n’est jamais aussi à l’aise que dans ces moments où il interpelle les foules: il sait trouver les mots pour expliquer, convaincre et, parfois, menacer. Bourguiba parle une langue accessible à tous, sans filets (on l’a rarement vu lire un discours). Tribun hors pair, Bourguiba mesurait aussi parfaitement l’impact de ses mises en scène sur les foules subjuguées. Il en parle dans un discours du 25 Juillet 1965 : «Je pourrais certes me contenter de lire un docte exposé rédigé par moi-même ou sur mes directives par un de mes collaborateurs. Mais un tel exposé n’intéresserait qu’un nombre limité d’auditeurs ayant une formation suffisante pour le comprendre. Il y manquerait le souffle et l’improvisation, l’accent qui va droit au cœur, qui exalte les esprits et modifie l’échelle des valeurs des hommes. C’est cela qui nous a permis de fonder le Parti et l’Etat, en créant une force à partir de notre faiblesse et en rétablissant le courage, la dignité et la sagesse politique là où il n’y a qu’abandon et résignation». Ces «psychodrames» de l’indépendance, orchestrés, mimés et incarnés par Bourguiba, sont à l’origine de cette relation fusionnelle, charnelle du «Combattant suprême» avec son peuple en ces premières années de son règne.

Ce lien s’est progressivement distendu (et par voie de conséquence «l’effectivité» du verbe) à partir du moment où -dans une volonté du régime de démultiplier ce corps dans une quête illusoire d’une visibilité maximale- c’est l’image (cinématographique , puis télévisuelle) du corps qui s’est progressivement substituée à celui-ci pour finir par l’effacer.

L’image cinématographique des Actualités filmées a procédé, dans un premier temps, à une sorte de «rethéâtralisation»[2] du corps bourguibien. Surexposé par la caméra, usé par le temps et la maladie, il n’en demeurera que le simulacre. Ces évolutions sont significatives de la dépendance dans laquelle se trouvait le pouvoir tunisien par rapport à ces «monodrames» bourguibiens, uniques modalités des mises en scène du pouvoir en Tunisie. Tant que le corps bourguibien, seul vecteur et opérateur du spectacle du politique, a été dans la possibilité d’incarner son régime, le travail des Actualités s’est limité à en disséminer l’image en la démultipliant. La chute du corps perceptible, à partir de 1967, s’est traduite par l’obligation dans laquelle se sont trouvées les Actualités d’inventer leurs propres mises en scène. Celles-ci constituent désormais les seules modalités de la représentation du pouvoir. C’est en ce moment historique, localisable entre 1967 et 1970, que les images des Actualités se sont avérées contre-productives pour le régime, en raison de leur impossibilité de se penser autrement qu’en tant qu’écho du spectacle vivant du pouvoir.

Ikbel Zalila


[1] Hédi Khélil( 1985) est probablement le seul auteur à avoir entrepris une lecture psychanalytique de la séduction à l’œuvre dans les mises en scène bourguibiennes. (Khélil, Hédi, Journalisme, Cinéphilie et Télévision en Tunisie, Québec, Naaman,1985).

[2] Nous empruntons cette expression à Alain J. Bélanger (1995)

samedi 3 avril 2010

الانتخابات البلدية : بين التنفير والهجرة


مشكلة,مشكلة ، بل أمّ المشاكل ... الانتخابات أصبحت مشكلة فعلا في هذه البلاد . أصبحنا شيئا فشيئا نستقرّ في وضعية تغمّها ثنائية، التسليمُ بها والسكوتُ عن خطورتها يزيدها خطورة : طرف الثنائية الأوّل سلطة وحزبها يبدعان في استنباط الممارسات والعراقيل من أجل الاستفراد الكامل بالمجتمع والهيمنة التامة على الفضاء العمومي، وطرفها الثاني قوى المجتمع المدني من أحزاب و مجموعات ومستقلّين ترى أفضلية " الهجرة" وترك الساحة للطرف الأوّل يفعل فيها وبها ما يشاء . لكن ورغم وجاهة الحجج التي يدفع بها هؤلاء والسلوك الأصولي الإقصائي الذي يسلكله أولائك ، ورغم بؤس الوضعية وقتامة المشهد وانحراف المفاهيم من حيث أنّ التساءل القَبْلي المعهود لكلّ استشارة شعبية والذي هو بكل بساطة وكما في كلّ هِنَد الدنيا وسِنَدها " هل سنفوز في الانتخابات أم لا " أصبح هذا السؤال في بلادنا : هل سنستطيع تشكيل قائمة؟ ، وإن وُفّقنا في ذلك "الانجاز العظيم "، هل سيصمد كلّ أعضائها أمام الضغوط الهائلة والأطنان من الجزر والعِصِيّ ولن ينسحب منهم أحد ؟ وإن صمدت القائمة وشقّت الصحراء بسلام ووصلت إلى الجهة المشرفة على الانتخابات ، فهل سيقبلها الوالي؟ ( مطبّ جديد استحدث في انتخابات 2009) وإن اجتازت هذا المطبّ وحضيت بالقبول ، هل سنتمكّن من إبلاغ صوتنا وتبليغ برامجنا إلى الناخبين وهل ستسلم معلّقاتنا من التمزيق وذواتنا من التشهير وأعراضنا من الانتهاك ؟ وإن مررنا من هذا "السراط " بأقل الأضرار، ماذا سيفعل " الصندوق " بقائمتنا ,,,,

رغم كلّ هذه الضغوطات الهائلة والسعي المحموم للتنفير من الشأن السياسي وتلك الحجج " المفهومة" الداعية " للهجرة الانتخابية " ، اخترنا طريقا ثالثة تمليها علينا أساسيات الجمهورية وأسس الديمقراطية ، سنسلكها " منتصبي القامة" مهما كثرت الحواجز وتعدّدت المطبّات ، لن نُسلّم ولن نستسلم ، سنسعى إلى الساحة العامة مهما أبعدوها وسنأخذ لنا فيها مكانا مهما ضيّقوها . سنرفع التحدّي ولاءا لوطننا واتقاءا من سخط الأجيال القادمة وتحصّننا من وِزَر مسَلّمة مُحبطة للعزائم والتي تقول أنّ المستقبل كان في الماضي أفضل . غايتنا المبدئية- كما في كلّ أصقاع الدنيا ن هو الفوز في الانتخابات ، وهدفنا الواقعي في هذا الزمن ، والذي سنحتفل به أيّما احتفلال إن تحقّق هو تشكيل قائمة انتخابية . أنسيتم أيّها السادة أنّ في البلاد الآن وبعد أكثر من نصف قرن من الاستقلال يوجد من يتباهى ويتفاخر بالقول إن المعارضة (تلك التي لا تختارها السلطة) عاجزة عن تشكيل قائمة انتخابية ؟

أحمد الورشفاني

Le «rêve canadien» des jeunes Tunisiens

Pour immigrer au Canada, il faudra économiser 1400 dinars et attendre une année avant de vous voir délivrer le précieux sésame, le visa de résident permanent. Avec un peu de chance, vous le recevrez en seulement six mois. Des conditions loin d'être impossibles pour les jeunes Tunisiens qui rêvent d'un ailleurs accueillant. Le Canada, en particulier le Québec, la "belle province" francophone de ce pays, a besoin annuellement de 250 000 immigrants pour assurer sa survie démographique et économique. Et il le fait savoir en organisant annuellement sa journée d'information sur l'immigration dont la dernière a eu lieu le 26 mars dernier dans une salle "(...) pleine à craquer de jeunes venus de tous les coins de la Tunisie (...)", selon nos confrères de Gnet.tn, qui on constaté l'engouement croissant de nos jeunes pour le "rêve canadien". Le statut de résident permanent ne constitue pas la garantie de trouver un emploi dans ce vaste pays d'Amérique du Nord, mais accorde aux candidats tunisiens à l'immigration une couverture sociale, une assurance maladie et une parfaite égalité de droits avec les autochtones face à l'emploi. Ceux qui le souhaitent, bénéficieront automatiquement d'un prêt-bourse pour financer leurs études.

Vu du Canada, le tableau est enchanteur. Vu de la Tunisie, il en est bien autrement. Car notre pays voit ainsi partir ses forces vives, probablement ses meilleurs atouts, formés grâce à l'effort de la communauté nationale. Une hémorragie douloureuse pour un pays qui dit pourtant miser sur ses ressources humaines, mais que l'absence de perspectives fait littéralement fuir ces "ressources". Nos jeunes candidats au soleil canadien ne partent pas sur un radeau voguant vers l'inconnu, ils sont munis de leurs diplômes chèrement acquis, mais qui ont peu de chance de correspondre à un emploi. Ils partent, la mort dans l'âme, contribuer à l'essor d'une autre nation qui, elle, a su comment les accueillir. Le gâchis est énorme...

Hedi Ben Smaïl