lundi 29 septembre 2008

Georges Adda, un grand homme s'est éteint

Georges Adda (22 sept. 1916-28 sept. 2008)

Le cœur de Georges Adda a cessé de battre au début de la soirée du dimanche 28 septembre à l’âge de 92 ans. Georges Adda est né à Tunis le 22 septembre 1916. Il adhère au parti communiste en 1934. Après l’arrestation des dirigeants destouriens et communistes en septembre 1934, il fait partie du groupe qui continua la lutte clandestine, il est arrêté à son tour en septembre 1935. Libéré en avril 1936, lors de la conférence nationale du parti communiste tenue le premier juin 1936, il est nommé, secrétaire général adjoint du parti et responsable de la Jeunesse communiste. En avril 1940, il est placé en résidence surveillé tout d’abord à Zaghouan puis à Béjà où il reste jusqu’au 13 novembre 1943 date à laquelle il rejoint l’Algérie. Membre de la direction du parti communiste jusqu’en 1957, il a été pendant plusieurs années membre important de la direction du parti communiste et le directeur de l’hebdomadaire en langue française L’Avenir de la Tunisie, arrêté en 1952 avec les dirigeants destouriens et communistes, il est éloigné au sud tunisien, il ne sera libéré qu’en en 1955.

Après l’indépendance, il continue à jouer un rôle politique important en tant que militant communiste mais sans avoir de responsabilité officielle dans le parti. Il sera toujours présent sur la scène publique par des prises de positions, articles de presse, participation au mouvement démocratique et syndical. Il se distingue par ses positions de soutien total à la cause palestinienne. Malgré son âge avancé, il ne rate aucune occasion pour apporter sa contribution aux luttes pour la démocratie, le progrès et la modernité en Tunisie.

Habib Kazdaghli

samedi 27 septembre 2008

Ramadan: ces stores à demi baissés qui ne nous font pas honneur !

Ramadan est le mois du jeûne, de la famille, de la télévision tunisienne et des longues veillées entre amis. Il est aussi, hélas, le mois où se multiplient des phénomènes beaucoup moins sympathiques, qui sont révélateurs du véritable malaise que vit la société tunisienne qui n'en finit pas de végéter dans une semi-modernité.

Parmi ces phénomènes, il en est un qui nous interpelle et qui mérite qu'on s'y attarde quelque peu. Il s'agit de la manière dont se présentent, durant le jour, les rares commerces qui offrent à boire et à manger. Un grand effort est déployé pour passer inaperçu, pour se cacher ou, plus exactement, pour cacher à la vue des passants ses propres clients, en collant cartons et journaux aux vitres ou, mieux encore, en baissant les stores de manière à ce que ne soient visibles que les jambes de ceux qui les fréquentent.

Cette dernière disposition illustre à la perfection tant l'état d'esprit de celui qui ne jeûne pas que sa perception par la société. Car, pour accéder à son café ou à sa cigarette, le client doit d'abord se courber, comme pour mieux "avouer sa faute", sa mauvaise conscience et comme si la société voulait lui rappeler, par cette gymnastique qu'elle lui impose, l'idée que fumer ou boire n'a plus rien de naturel, bien au contraire! C'est ce sentiment de culpabilité qui pousse sans doute le client à accepter, sans rouspéter, des majorations - légales? - allant jusqu'à 50% des prix des boissons. Tout cela fait que ces lieux sont loin de ressembler à des espaces de liberté où l'on vit dans la sérénité ses propres convictions. Ils rappellent, plutôt, des ghettos où les bien-pensants expulsent les déviants et les obligent à s'y réfugier comme des bêtes traquées.

Cette exclusion de ceux qui ne jeûnent pas de l'espace public appelle quelques observations. Elle révèle, d'abord, l'extraordinaire hypocrisie sociale dans laquelle nous baignons et qui atteint son paroxysme durant ce mois saint et dont les principes sont: "Vous pouvez ne pas jeûner, mais gare à le faire en public. Vous pouvez être très nombreux à ne pas jeûner, mais il ne faut pas que vous soyez visibles". Les apparences doivent être sauves et tout doit tendre vers l'état idéal. En somme, on n'est pas loin du "cachez-moi ce sein que je ne saurais voir" de Tartuffe, même si, en l'occurrence, c'est un supposé dit du prophète qui est appelé à la rescousse qui stipulerait que ceux qui enfreignent les principes de la religion doivent se cacher.

Ensuite, cette exclusion des "déviants" de l'espace public, le jour, se double, le soir, d'une "réappropriation" (au propre comme au figuré) de cet espace par la "normalité" religieuse à travers l'exercice du culte. On en veut pour preuve l'invasion des trottoirs et parfois de la chaussée - au grand dam des automobilistes - par les prieurs du soir et la transmission de la prière des centaines de mètres à la ronde par haut-parleurs interposés. C'est comme si on voulait, par ces démonstrations et par cette "reconquête" de l'espace public, retrouver, le temps d'un mois, une société homogénéisée et "purifiée", conforme au modèle, à l'utopie. Bref, tout est mis en oeuvre pour que règne l'ordre normalisé.

Ainsi, cette ghettoïsation de tous les "non conformes au modèle standard" pose-t-elle de manière aiguë la question de l'état de la tolérance chez nous, de notre rapport à la différence et à l'altérité. Il est évident, à ce niveau, que la société tunisienne a du mal à accepter l'autre et la différence (voir l'attitude de notre société à l'égard des noirs, par exemple) et que le Tunisien affiche, en toute bonne conscience, une intolérance foncière, pour ne pas dire une nette tendance au totalitarisme. Il y a là, à l'évidence, un retard philosophique indéniable dont il faut impérativement prendre conscience pour tenter de le combler.

Mais au-delà de la question de la tolérance, ce phénomène pose, celle plus profonde et plus grave, de la citoyenneté. Autrement dit, les Tunisiens se perçoivent-ils, d'abord, comme les citoyens d'une République, quelles que soient leurs convictions et leurs pratiques sociales, politiques et religieuses, ou bien comme les membres d'une communauté de croyants? Quel est le référent qui prime, en fin de compte? Poser cette question, après plus de cinquante ans de République, pourrait sembler tout à fait farfelu. Mais, au vu des faits relatés plus haut, on ne pourra pas en faire l'économie.

D'autant plus que cette "normalisation" de l'espace public constitue un contraste frappant par rapport aux années soixante et soixante-dix. Certes, cette poussée conservatrice a sans doute des causes sociologiques. On peut citer, pêle-mêle, l'importance de l'exode rural, la semi alphabétisation de larges couches de la société et l'influence croissante des médias des pays du golfe distillant leur vision de la religion et de la société. Mais il nous semble que la responsabilité du politique est sérieusement engagée. Car seul un pouvoir aux options résolument modernistes est à même de protéger l'espace public de toute tentative d'annexion et de faire oeuvre de pédagogie en vue de combler ce retard philosophique - et politique - qui nous handicape.

Malheureusement, le pouvoir semble loin de vouloir s'engager dans une telle voie. Il donne l'impression, au contraire, par sa politique en matière d'audiovisuel, et bientôt en matière de finance, de continuer à faire de lourdes concessions aux courants les plus conservateurs de la société. Et cela ne se fait pas sans de gros risques pour la République.

Baccar Gherib

Source.

samedi 20 septembre 2008

A propos de l'affaire Tarek Dhiab : quelques réflexions sur le sport et la politique

(article paru dans l'édition papier d'Attariq Al Jadid du 20.09.2008)













Le 4 octobre prochain, Tarek Dhiab, ancien footballeur international, commentateur sportif et ex vice-président de l'Espérance de Tunis, comparaîtra devant la justice pour "tentative de corruption d'un fonctionnaire durant l'exercice des ses fonctions". Ce sera, désormais, l'épisode attendu de la tant débattue "affaire Tarek Dhiab" qui aura défrayé la chronique du sport - et de la politique - tout au long de cet été et qui aura été révélatrice de certaines caractéristiques du système politique dans notre pays.

Pourquoi toute affaire devient-elle, chez nous, une affaire d'Etat ?
Cette affaire pose, en effet, une question de fond qui a été soulevée (ingénument ?) par un groupe de soutien à Tarek Dhiab sur Facebook : "pourquoi toute affaire devient-elle, chez nous, une affaire d'Etat ?". Autrement dit, pourquoi la politique vient-elle se mêler d'une affaire a priori strictement sportive ? Pourquoi constate-t-on, chez nous, à un degré très élevé, cette interdépendance malsaine entre sport et politique ? Pourquoi le sport y est-il à ce point sous tutelle ?

En fait, cette question a une portée plus générale et elle n'est nullement spécifique au domaine du sport. Elle a trait aux caractéristiques d'un système politique qui a tendance à envahir des domaines qui sont en principe étrangers à ses enjeux et à ses luttes. Même si c'est surtout le sport, le football en particulier, qui fait l'objet d'une attention et d'un contrôle particuliers de la part des autorités.

Cette caractéristique tient au fait que les expressions politiques sont contrôlées et refoulées ou fortement canalisées. Et comme elles ne se déploient pas librement dans la sphère politique, elles finissent par envahir, sous cet aspect contraint et rentré, toutes les autres sphères de l'activité sociale. Autrement dit, on se retrouve face à un paradoxe qui fait qu'à trop vouloir dépolitiser, par l'imposition d'un unanimisme factice, on rend tout politique. D'ailleurs, il est symptomatique que l'on dise, dans notre langage courant, de ceux qui manifestent une opinion critique et qui se distinguent, ce faisant, de la majorité silencieuse, qu'ils "font de la politique" ?

La confrontation de deux légitimités
Ainsi, il nous semble que c'est seulement en ayant à l'esprit cette caractéristique du système que l'on peut être à même de saisir tous les épisodes de l'affaire Tarek Dhiab, depuis les premières tentatives de limogeage à son limogeage effectif pour arriver, enfin, à son procès.
En gros, cette affaire peut être analysée - et a sans doute été perçue - comme la confrontation de deux types de légitimité : celle sportive (et populaire) du sportif d'exception et celle du système, conférée au ministre (que plusieurs internautes ont affirmé avoir découvert à l'occasion de l'incident avec la star du football !!).

Cette confrontation est assez rare pour être notée. Car le politique, à la fois fasciné et méfiant par rapport à la popularité des sportifs et des associations sportives, a toujours veillé à les récupérer et à les instrumentaliser, même de façon grossière. Les associations sportives tunisiennes sont les seules, à ce que je sache, qui appellent à voter pour un candidat lors d'élections présidentielles. Il en est même qui ont arboré, sans complexe, cet appel sur leurs maillots.

Cette récupération des sportifs se fait aussi par la recherche systématique de l'allégeance, qui est d'autant plus convoitée que le sportif (ou le sport) est populaire. Mais le public n'est pas dupe qui sent l'artifice de ces déclarations d'allégeance dont la systématicité jette un doute sur la sincérité. Il a, de ce fait, doublement apprécié la médaille d'or d'Oussama Mellouli quand, sur Al Jazira, directement après son exploit, il dédia sa médaille à ses parents... uniquement !

L'attitude de Mellouli, champion olympique, faisant suite à celle de Tarek Dhiab, a probablement été à l'origine de "l'appel à d'autres fonctions" de M. Kaabi, considéré sans doute comme directement ou indirectement responsable de ces deux couacs successifs dans le mécanisme, pourtant bien huilé, de la manifestation de l'allégeance.

Les représailles du système
Ainsi, l'emprise de la politique sur le sport est telle que ceux qui ont soutenu Tarek Dhiab lors de la première tentative de limogeage, en le désignant comme "militant du changement", ont bien pris la précaution de souligner que ce soutien émanait de l'intérieur même du système et que, dès lors, il ne visait nullement à le contester !

Cet exercice était bien difficile. Il fallait soutenir Tarek Dhiab contre certaines personnes proches du pouvoir, sans que ce soutien ne soit interprété comme un acte de rébellion. Et cela n'a pu procurer au vice-président de leur club qu'un sursis de deux mois, jusqu'à l'incident de la tribune d'honneur du 5 juillet dernier.

Depuis cette date, en effet, il y a eu des représailles, par lesquelles le système a voulu rappeler l'existence de lignes rouges que toute personnalité publique, aussi charismatique et aussi populaire soit-elle, se doit de ne pas franchir. Il souligne, ainsi, qu'autant il est soucieux de récupérer et d'instrumentaliser la popularité des sportifs, autant il est prêt à sévir contre toute velléité d'émancipation... ou ce qu'il perçoit comme un refus d'allégeance.

Toujours est-il que le "système" n'a pas intérêt à mettre Tarek Dhiab en prison. Il a sorti son épée de Damoclès et il a rappelé certaines réalités. Il a maintenant juste besoin, ainsi que nous le suggère un chroniqueur sportif du journal Le Temps, de l'expression des regrets de celui qui a osé snober l'un de ses hommes. Seuls les prochains jours nous dévoileront l'issue de cette triste affaire où le pouvoir politique a montré, encore une fois, l'étendue de son emprise sur la société civile.

I.K.

vendredi 19 septembre 2008

La censure de facebook: une démarche désuète et contreproductive

La fermeture de l'accès au site de Facebook depuis le 23 août dernier à partir de la Tunisie a provoqué un véritable tollé parmi ses 28000 adhérents et a soulevé un vent de révolte qui a soufflé pendant la dizaine de jours durant lesquels a duré la censure. Ainsi, après plusieurs blogs personnels et après Dailymotion et Youtube - les sites de partage de vidéo en ligne - Facebook, simple site d'amis à l'origine et qui représente, aujourd'hui, un véritable réseau social, a été rattrapé par l'interdiction en Tunisie.

Seulement, voilà! Il semblerait, cette fois, que le censeur ait mal calculé son coup et qu'il n'ait pas bien anticipé l'ampleur de la réaction des internautes tunisiens, en général, et des adhérents au site, en particulier. En effet, si l'interdiction d'un blog affecte son auteur et les quelques lecteurs qui le connaissent et peut, dans une certaine mesure, passer inaperçue, celle de Facebook a touché 28000 adhérents pleins d'engouement pour ce nouvel outil de communication et de culture et qui n'ont pas compris pourquoi on voulait les priver du droit de contacter leurs amis et de s'exprimer sur les sujets qui les passionnent. Ce qui explique la colère qui les a animés et la détermination avec laquelle ils ont défendu le droit d'accès à leur site, allant jusqu'à menacer de résilier leur contrat avec leur fournisseur d'Internet au cas où l'interdiction se poursuivrait. Une colère qui a été relayée à l'étranger par Reporters Sans Frontières et dont ont rendu compte divers médias arabes. Entre-temps, les plus habiles et les mieux renseignés des adhérents de Facebook avaient trouvé la parade à la censure et, grâce à divers proxys, ont pu accéder de nouveau à leur site.

Ainsi, la tournure des événements nous amène-t-elle à penser que, dans cette affaire, le censeur et ses commanditaires sont perdants sur tous les plans. Car, comme on l'a signalé, les internautes tunisiens disposent des compétences (et de la solidarité) nécessaires pour mettre à mal la censure et réduire largement son efficacité. D'ailleurs, ces jeunes qui vivent pleinement leur temps ne font que se moquer de cette approche désuète et tout à fait ringarde à leurs yeux et ridiculisent le censeur en chef de L'Agence Tunisienne de l'Internet (ATI) auquel ils ont désormais accolé le sobriquet de "Ammar 404" par allusion au "http 404 page not found" qui s'affiche à la place des sites censurés. Ensuite, parce que la censure a touché des usagers du net qui ne sont pas au départ, dans leur majorité, forcément politisées ) un édito paru sur le net a même rappelé que sur Facebook il y a beaucoup de "groupes amis" - et les a amenés à prendre conscience de l'état des libertés dans leur pays, à s'engager plus ou moins dans une démarche collective et citoyenne et à finir par avoir gain de cause. Enfin, parce que cette censure, qui a eu de larges échos à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, ne peut que porter un coup à l'image du régime et achever de décrédibiliser le "Dialogue avec les jeunes" célébré en grandes pompes et présenté par le discours officiel comme libre et sans tabous. Car qui y a-t-il sur Facebook sinon des jeunes qui veulent former des groupes pour échanger des idées et s'exprimer librement sur des sujets qui les intéressent?

Quelle mouche a donc piqué l'ATI pour interdire ce site dont la popularité va croissant? Un groupe récemment créé par un dissident? Des débats qui continuent entre Facebookers sur la situation du bassin minier? On ne le saura peut-être jamais. Toujours est-il que par son dynamisme, le nombre et la qualité de ses adhérents et la diversité qu'il abrite, ce site porte en lui la promesse d'une société civile virtuelle. C'est là que se retrouvent, en effet, que le discours officiel appelle à rejoindre les associations et à s'intéresser à la politique.

En tout cas, depuis début septembre, Facebook est de nouveau accessible depuis la Tunisie suite, selon notre consoeur Le Temps, à une intervention présidentielle. Faut-il y voir un désaveu de la politique de l'ATI et une mise au chômage technique de "Ammar 404"? On ne peut que le souhaiter. Attendons, toutefois, ce que nous diront les jours à venir...
Baccar Gherib

Source.

mercredi 17 septembre 2008

Tunis 7, une chaîne en or

Les performances de nos athlètes aux Jeux paralympiques 2008 qui se tiennent actuellement à Pékin sont impressionnantes. Leurs exploits nous comblent de joie et de fierté. Ils ont éclipsé les échecs en série de nos athlètes "valides" aux Jeux olympiques d'août dernier.

Au moment où j'écris ces lignes, nos concitoyens ont récolté 9 médailles d'or, 9 d'argent et 3 de bronze (source) pour se classer à la 15ème place à la veille de la clôture de la manifestation en devançant des nations aux traditions sportives ancrées telles que l'Italie, Cuba, le Bélarus ou encore les Pays-bas.

Toujours dans le chapitre des JO, une autre performance de taille, qui restera dans les annales, est venue égayer ce beau tableau. Elle est l'œuvre de notre chère et bien-aimée Tunis 7 qui nous gratifie déjà de programmes de grande qualité à longueur d'année. Depuis quelques jours, notre chaîne nationale nous donne une leçon quotidienne de journalisme en proclamant par la voix chaude et pleine de ferveur de son envoyé spécial à Pékin que la Tunisie est éternelle 2ème au classement des JO paralympiques. Le site officiel de la compétition, visiblement dépassé par les événements, persiste, lui, à nous scotcher à la 15ème place du classement ! Quelle honte ! Comme d'habitude, nous sommes les victimes innocentes d'une abominable campagne de désinformation visant à nous décrédibiliser dans le concert des nations ! Rendez-nous nos médailles ! Rendez-nous notre classement !

Nous sommes tous solidaires de notre chaîne nationale qui mérite la médaille d'or des JO journalistiques ! Une compétition permanente qui a lieu dans notre beau pays de la joie éternelle où le seul participant est... Tunis 7.

Homo Sapiens.

(Image d'après Banque des idées)

"Mektoub", la série qui fait du bruit

LA NOUVELLE SÉRIE RAMADANESQUE QUI FAIT DU BRUIT
Le feuilleton « Mektoub »

Il semblerait que pour son cru du mois de Ramadhan 2008, notre TV7 nationale ait décidé de se montrer enfin à la hauteur des attentes d’un public lassé du ronron des feuilletons ramadanesques de ces dernières années, et qu’une énième reconduction de la sit-com à succès, Choufli hall, risquait de laisser, disons, quelque peu sur sa faim. Mektoub le nouveau soap diffusé en prime time, a en effet créé la surprise, non pas tant grâce à la signature du talentueux chroniqueur/scénariste à succès, Tahar El Fazaa, qu’à « l’abattage » impressionnant de cette nouvelle production.

Sami El Fehri tape fort
Rappelons d’abord que cette série est produite et réalisée par Sami El Fahri, connu jusqu’ici pour ses prestations d’animateur vedette dans les fameuses émissions-machines à sous de la toute-puissante Cactus Productions. Il nous revient donc cette année derrière la caméra, avec l’intention clairement affichée de frapper fort (à coups de plusieurs milliards, dit-on), de nous en mettre plein la vue. Et on peut dire, à cet égard, qu’à l’instar des programmes dans lesquels s’était commis jusque là notre Arthur national, strass, paillettes et démesure sont de rigueur : décors et cylindrées de luxe, casting « valorisant » (des interprètes à la plastique de top-modèles aux collaborateurs techniques « importés »), effets branchés de mise en scène, générique « novateur »… Mais la thématique n’est pas en reste, et notre ambitieux producteur-réalisateur se veut tout aussi percutant au niveau du « fond » : adultère, enfant illégitime, racisme, drogue… Ce qui n’a pas manqué de susciter la polémique. En effet, beaucoup d’encre a déjà coulé au sujet de deux aspects, épinglés par nombre de commentaires, voire de critiques, le plus souvent sévères : les « excès » de la série en matière de thèmes soi-disant sulfureux, et sa « non représentativité », à savoir, l’exclusivité de l’univers qu’elle dépeint, celui de l’élite des villas somptueuses, des salons de thé à la mode, et des Hummer, Mustang et autres X5. En revanche, peu ont relevé cette fâcheuse et non moins « opportune » coupure publicitaire, apposée telle un sceau au milieu de chaque épisode, hélas révélateur de ce qui s’apparente –cette production occupant de surcroît la tranche horaire la plus convoitée des annonceurs ! – iavant tout à une opération commerciale habilement cosmétisée…

Un effet de nouveauté
Néanmoins, si l’on prend la peine de traverser la surface du clinquant, qu’en est-il réellement de ce soap ?

Deux remarques s’imposent d’abord, concernant les critiques sus-mentionnées, car il faut en finir avec la sacro-sainte « représentativité » et son cortège immuable de dialectes ruraux et d’accents « à couper au couteau », dont la première chaîne publique se faisait un devoir de nous servir immanquablement sa livrée annuelle, et dont on ne saurait trop remercier les concepteurs de Mektoub de nous avoir soulagés cette année. Ce qui compte, en matière d’idées, ce n’est pas tant ce qui est représenté que ce qui en est fait. Et il en va de même pour les thèmes, lesquels, comme chacun sait, et aussi choquants soient-ils, ne mangent pas de pain en tant que tels. A présent, et cela dit, il est vrai qu’il y a un effet indéniable de nouveauté tant le « lavage du linge sale de la société tunisienne » semble ici poussé à un degré jusque là inusité, à l’instar de cette évocation du racisme atavique qui gangrène encore notre société. Mais le mérite de la série consiste surtout à montrer qu’il est trans-générationnel. Et ce mérite, nous semble-t-il, n’est pas le seul.

Ainsi, Mektoub, dont l’histoire est globalement centrée sur trois familles de la bourgeoisie tunisoise aisée, assiégées par une flopée d’ambitieux (des prétendants au dealer, tous plus ou moins arrivistes), est articulé, comme la plupart des soaps, autour de la question du conflit entre amour et pouvoir familial. Sa singularité consiste en ce qu’il nous décrit un monde où la figure du père est étrangement en retrait, sinon absente, monde où la prédation débridée et l’arrogance suffisante des fils le dispute désormais à la volonté de puissance des mères, la série se livrant à cet égard, à une démystification impitoyable de l’amour maternel : chantage affectif, pression financière, ultimatums iniques, rien ne fait reculer nos charmantes mamans, dont l’amour n’est qu’une caution pour régenter la vie de leur progéniture. Et les hommes ne sont pas en reste, à l’instar du personnage de Lyes (campé par un nouveau-venu prometteur, Yassine Ben Gamra), l’arriviste à la Hummer, pendant masculin des figures despotiques maternelles, chez qui l’hypocrisie de la jalousie machiste fait écho à celle de l’amour maternel tyrannique ; ou encore celui de Dali, Don Juan sans cœur et sans remords (interprété avec brio par l’excellent Dhafer Labidine, encore un inconnu !).

A travers ces deux figures emblématiques, la liberté sexuelle est irrémédiablement déconnectée de la modernité, et le sexe est déconnecté de l’amour, lequel amour, précisément, figuré par le couple hors normes composé par les jeunes Mehdi et Yosr (cette dernière est métisse), pris en étau entre ces forces destructrices, semble bien précaire. A cet égard d’ailleurs, l’épisode du Mercredi 10/9 nous a offerts, avec la séquence du règlement de comptes entre les deux frères, Mehdi et Dali, après la fugue de ce dernier, et en présence de l’aîné Mourad, un des moments les plus bouleversants de l’histoire de la production audiovisuelle tunisienne !!

L’idée maîtresse du feuilleton apparaît ainsi progressivement comme étant celle d’un monde où le clinquant, le luxe ostentatoire et la dolce vita ne sont que les trompe-l’œil de son irrémédiable hostilité à l’égard de la quête de l’absolu (dont l’amour est l’emblème). Et la figure inquiétante de Choko, mi-commerçant, mi-dealer, qui rôde autour de tout ce joli monde, n’augure rien de bon. Doté, lui aussi, à l’instar de tous les prétendants de la série, d’une cylindrée de choc (de même que Lyes, le fiancé de la douce Inès, celui, désigné, de Yosr, arbore sereinement sa Porsche Cayenne dans l’attente de cueillir sa promise, telle un fruit mur, sitôt expiré le délai de l’ultimatum imposé par sa mère), on comprend que le défilé des voitures de luxe, qui en a irrité beaucoup, ne sert qu’à en désigner la fonction d’armes de siège, à l’image de ces béliers qui servaient naguère à investir les citadelles convoitées. Indubitablement, il faut reconnaître que Mektoub touche là à quelque chose qui nous concerne de près.

Une mise en scène maladroite
Malheureusement, toutes ces vertus sont gâchées par une mise en scène par trop erratique, oscillant trop souvent entre le copiage servile de ce dont elle prétend se démarquer (champs contre-champs interminables, inévitablement accompagnées par l’inusable lamento au violon), et les effets destinés à impressionner le téléspectateur moyen, complètement incongrus (changements d’axes abscons, tripatouillages gratuits de la profondeur de champ, plans de coupe accélérés et « jinglisés » aussi opportuns que la guillerette sonnerie d’un portable au milieu d’un enterrement…). Tout cela fait que la série aurait sombré corps et milliards dans le ridicule le plus complet, n’étaient les qualités du scénario et la fraîcheur des dialogues et des nouveaux venus. Que pouvons-nous dire alors de Mektoub, si ce n’est qu’il laisse un sentiment mitigé entre la reconnaissance de l’audace réelle et l’impression d’une production qui sent trop son produit marketing, et qui a du mal à cacher, trop pressée qu’elle est de se démarquer en jouant la carte de « l’épate », un certain opportunisme et, disons-le, un arrivisme un brin vulgaire.

Ainsi, étrange ironie, Mektoub se retrouve-t-il pris (à son corps défendant ?) dans les rets de son propre dispositif critique, illustrant cruellement l’adage fameux : tel est pris qui croyait prendre.

Slim Ben Cheikh

Source.

(Les photos sont de la rédaction du blog)

mardi 16 septembre 2008

Le blog des amis d'Attariq


Ce blog est celui des amis d'Attariq Al Jadid, le journal d'Attajdid (Renouveau), celles et ceux qui se reconnaissent dans les idées progressistes de liberté, égalité, justice, progrès social, solidarité...

Rejoignez ici les amis d'Attariq pour partager vos idées, pensées, critiques... !

هذه المدونة تتوجّه لأصدقاء جريدة الطريق الجديد و إلى كلّ من يؤمن بالمبادئ و القيم التقدّميّة و الحداثيّة من حريّة و عدالة ومساواة و تقدّم اجتماعي و تضامن.
انضمّوا إلى أصدقاء الطريق الجديد لتعبّروا على أفكاركم و مواقفكم و انتقاداتكم