- Les résultats proclamés consacrent une fois de plus la carte politique imposée par le pouvoir et qu’il a tenu à montrer à l’occasion de ces élections, tout comme pour les précédentes. Ils ne reflètent en aucune façon la réalité du pluralisme dans notre société, ni celle du poids des composantes politiques. Ils confirment l’échec du système de participation adopté, ce qui a abouti, contrairement aux affirmations réitérées dans le discours officiel, à vider de son contenu le pluralisme politique institué par la Constitution. Ils confirment également le refus des structures régionales et locales du parti au pouvoir et des autorités régionales et locales qui lui sont acquises, d’admettre le principe du pluralisme politique, d’une concurrence réelle et d’une neutralité effective de l’administration. Ils constituent un indice de plus révélant les dangers de la désaffection et du renoncement de larges couches de la population à participer à la vie politique.
- Les résultats annoncés et les conditions de déroulement de ces élections confirment la justesse de la position de réserve adoptée par ces forces politiques quant à une participation sous leurs couleurs propres ou dans le cadre d’une alliance entre elles, préférant concrétiser leur choix de principe de participer par « l’encouragement et le soutien à des initiatives locales, dans un cadre de solidarité et d’action commune au sein de listes de participation citoyenne ». Ils réitèrent leur considération à tous ceux qui ont œuvré avec sérieux et abnégation pour constituer des listes indépendantes, en dépit des pressions multiples et des obstacles de toutes sortes. Tout en condamnant le rejet des listes qui ont été soit avortées, soit empêchées de se présenter, soit invalidées de façon illégale, ils saluent la participation courageuse des listes restées en compétition et la concurrence sérieuse qu’elles ont su imposer dans leurs circonscriptions.
- La participation militante des listes indépendantes, malgré son caractère symbolique et la modicité des moyens matériels mobilisés, a permis de réaliser de nombreux objectifs qui seront autant de leçons utiles pour l’avenir du mouvement démocratique. Elle a montré que la participation militante demeure le meilleur moyen pour défendre, sur le terrain, les droits des citoyens, en dépit des conditions restrictives. Les listes indépendantes sont parvenues, pour la première fois, à assurer le contrôle de la totalité des bureaux de vote dans les circonscriptions concernées, ce qui leur a permis d’obtenir les chiffres réels des taux de participation et des résultats du vote, et d’avoir une idée précise des divers dépassements et abus. La participation militante a mis en relief des possibilités réelles d’une compétition effective ainsi qu’une large sympathie des citoyens envers les forces oeuvrant pour le changement et la réforme ; elle a révélé aussi l’existence d’un mouvement pluriel au sein de notre société. Les forces politiques qui ont soutenu ces listes constatent que les résultats officiels proclamés dénaturent la volonté des électeurs et déforment les résultats réels enregistrés par le véritable observatoire que constitue le réseau des représentants de ces listes dans les bureaux de vote des circonscriptions où elles se sont présentées.
- L’accaparement par le parti au pouvoir de la totalité des sièges dans 181 conseils municipaux sur 264 et l’hégémonie de ce parti dans le reste des circonscriptions, montrent avec éclat l’échec du modèle officiel de pluralisme dans le paysage politique tel qu’il perdure, un demi siècle après l’indépendance et plus de trente après la reconnaissance de la pluralité de partis. Un tel échec rend indispensables des réformes politiques fondamentales visant à faire évoluer le paysage politique pour qu’il reflète fidèlement la réalité du pluralisme dans la société et réalise l’aspiration des Tunisiens à une vie politique démocratique et moderne. Cela n’est possible que par la mise en œuvre d’un programme national de réformes, avec un contenu et un calendrier précis, dans le but de réunir les conditions d’une transition démocratique, en vue des échéances électorales, présidentielles et législatives, de l’année 2014.
- Une révision radicale du système de participation politique devient une nécessité impérieuse dans la perspective d’une « mise à niveau » du paysage politique pour les prochaines échéances.
L’ensemble du système régissant les élections - de l’inscription sur les listes électorales à la supervision des opérations de vote et à la proclamation des résultats - a atteint ses limites et nécessite un changement radical.
Des élections véritables ne peuvent se dérouler dans la transparence et la concurrence loyale que si la responsabilité de la conduite des opérations électorales échappe à la mainmise du Ministère de l’Intérieur pour revenir à un comité national indépendant et permanent, après une refonte globale du Code électoral, instituant notamment l’inscription automatique sur les listes électorales et la criminalisation de la fraude électorale.
La situation politique actuelle impose à l’opposition démocratique une responsabilité particulière dans la poursuite des efforts visant à développer ses capacités, rassembler ses forces et améliorer son action, pour qu’elle puisse affronter les échéances électorales à venir et assurer la transition démocratique voulue.
Pour les participants,
Le Secrétaire général du FDLT
Mustapha Ben Jaâfar
Tunis le 12 mai 2010
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