dimanche 26 février 2012

Profaner la place Mohamed Ali, c’est attenter à notre mémoire


Quel(s) message(s) ont voulu transmettre ceux qui ont eu l’audace d’aller déverser des ordures sur la place Mohamed Ali ? Le déclenchement d’un rapport de force avec l’UGTT et une tentative d’intimidation envers sa direction coupable à leurs yeux d’avoir autorisé la grève des agents de la municipalité ? Bien évidemment ! C’est là, le message direct, premier degré, pour ainsi dire. Son contenu est clair : il s’agit là de représailles contre le droit de grève indiquant que, pour ses commanditaires, son usage ne pourrait pas se poursuivre impunément. Cette intolérance à l’égard de droits qui ont été arrachés de haute lutte est déjà en soi inacceptable. Toutefois, cet acte inqualifiable véhicule aussi d’autres messages qui impliquent des lectures encore plus inquiétantes pour le futur de notre vivre ensemble.
Car la portée symbolique de cette place ne peut échapper à personne. Celle-ci évoque, en effet, des luttes en rapport non seulement avec le passé immédiat mais aussi avec le passé plus lointain. Des moments clés de notre révolution, l’hiver dernier, mais aussi des luttes remontant au Mouvement de libération et la plupart des combats sociaux et politiques sous l’autoritarisme. Dès lors, ceux qui ont voulu insulter cette place et ce qu’elle véhicule comme mémoire des premiers soubresauts révolutionnaires dans la capitale, cherchent à effacer ou bien à falsifier la mémoire d’un engagement où ils n’étaient pas acteurs. En profanant la place Mohamed Ali, ils se trahissent. Car ils insultent la Révolution. Tout simplement.
Mais la symbolique de la place Mohamed Ali ne se limite pas à l’histoire immédiate. Elle s’étend à toute l’histoire de l’UGTT et, par là même, à ce que celle-ci représente dans notre histoire en général. Ce qui n’est pas peu. L’UGTT représente un aspect fondamental de notre histoire, avec ses hauts et ses bas, le bon et le moins bon, les victoires et les défaites. C’est surtout une histoire de luttes, d’engagements et de martyrs pour une Tunisie démocratique et progressiste, qui dérange apparemment ceux qui voudraient que notre pays ressemble plutôt à un terrain vierge sur lequel ils pourront aisément greffer leur modèle importé. Mais, ne leur en déplaise, la Tunisie n’est pas une Tabula Rasa et son histoire ne commence pas aujourd’hui !
On le pressent : une grande bataille se profile déjà : celle de la mémoire. Elle représentera un aspect décisif de la bataille entre deux modèles de société ; celui qui se propose de bâtir sur les acquis du modèle tunisien et celui importé clés en main. Après l’action méthodique d’effacement de l’histoire militante des Tunisiens par le pouvoir autoritaire, d’aucuns pensent que sa dévalorisation ou son gommage pur et simple est possible.
Pour cela, la défense de la mémoire de l’UGTT est aujourd’hui fondamentale. Elle n’est pas l’affaire des seuls syndicalistes. Elle concerne tous les Tunisiens qui estiment que notre peuple a des acquis à préserver. Alors, samedi 25 février, allons à la place Mohamed Ali pour rendre hommage à ce qu’elle symbolise et pour dire « touche pas à mon UGTT ! », « touche pas à ma révolution ! » et « touche pas à ma mémoire ! »
Baccar Gherib

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