Durant l’année 2006, deux tomes intitulés le premier «Histoire, droits et sociétés» et le second «Plaidoyer pour l’égalité dans l’héritage» ont été publiés par l’Association des femmes pour la recherche sur le développement (AFTURD) avec le soutien de la fondation Ebert.
Ce travail constitue la synthèse de débats, discussions, enquêtes, séminaires organisés par l’AFTURD en complémentarité avec le travail de réflexion et de lobbying de l’ATFD sur cette question. La publication de ces deux tomes a coïncidé avec la célébration du cinquantenaire du CSP.
Cette recherche a constitué un moment important de la vie de l’AFTURD puisqu’elle a permis à un groupe permanent de chercheurs (res) de différentes disciplines de travailler dans le cadre d’une commission intitulée « Inégalité dans l’héritage ».
Le plaidoyer a été publié quelques mois après le premier tome et développe, en 15 arguments bâtis sur trois axes, socio-économique, juridique et culturel, pourquoi l’inégalité dont sont victimes les femmes dans l’héritage est aujourd’hui irrecevable. Voici, ci-après résumés, les quinze arguments en faveur de l’égalité successorale.
Axe socio-économique
1 La transmission par l’héritage tel que prévue par la loi tunisienne est bâtie sur le modèle traditionnel de la famille patriarcale en déphasage, aujourd’hui, avec les structures actuelles d’une famille moderne de type conjugal.
2 les femmes participent par leur travail à la prise en charge familiale dont elles assument une part importante (exemple : participation à l’acquisition d’un logement). Il serait donc juste qu’elles héritent au même titre que les hommes.
3 l’inégalité successorale est un handicap social et un facteur aggravant de la précarité économique et de la vulnérabilité des femmes. Lutter contre la pauvreté, c’est lutter contre les législations patrimoniales discriminatoires.
4 les femmes sont capables de développer comme les hommes leur esprit d’initiative et d’entreprise. Ce potentiel doit être confirmé par une législation non discriminante.
5 la réalité est, sur cette question de l’héritage, en avance sur les lois. Aujourd’hui, des stratégies de contournement sont souvent adoptées pour garantir un partage non discriminatoire pour tous ceux qui adhèrent aux valeurs égalitaires.
Axe Juridique
6 l’inégalité successorale est contraire aux principes fondamentaux de l’ordre juridique tunisien, principes, inscrits dans la Constitution, d’égalité des citoyens et de liberté religieuse qui invalident les inégalités successorales.
7 l’inégalité successorale est contraire aux traités ratifiés par la Tunisie. Les Conventions Internationales ratifiées par l’Etat constituent des normes qu’il reçoit dans son ordre interne.
8 l’inégalité successorale est contraire à l’esprit libéral du législateur tunisien qui a produit le CSP dans un esprit d’innovation.
9 L’inégalité successorale est contraire aux récentes évolutions jurisprudentielles : la jurisprudence des tribunaux est de plus en plus favorable à l’égalité et à la non discrimination.
10 l’inégalité successorale est perturbatrice des relations sociales alors que la règle de droit doit assurer son équilibre : être poussé à adopter des stratégies de contournement est préjudiciable à la cohérence de l’ordre juridique mais aussi à sa capacité de réguler les rapports sociaux.
Axe culturel
11 les travaux d’anthropologie historique montrent que le régime successoral trouve son principe de cohérence dans l’ancien ordre tribal de l’Arabie préislamique. Plus rien ne le justifie donc aujourd’hui.
12 l’existence de tous temps de pratiques dérogatoires à l’obligation religieuse d’attribuer une part de l’héritage aux femmes est attestée par de nombreux travaux d’historiens. Ces procédés de contournement ont pris la forme de donations, legs et habous pour exclure les femmes de l’héritage.
13 En Tunisie, les « hiyals » (subterfuges légaux ) ont existé ; le système des habous a constitué le plus grand moyen d’éviction des femmes de la propriété foncière et cela n’a pas choqué la conscience musulmane.
14 la pensée réformiste et Tahar Haddad ont critiqué l’inégalité successorale à partir d’une lecture moderne des textes religieux.
15 les pratiques inégalitaires existent encore en Tunisie. Les enquêtes sociologiques révèlent que la question successorale participe à d’autres réflexes que religieux.
____________________________
Constitution Tunisienne – 1er Juin 1959
Article 6 : « Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi ».
Article 32 paragr. 3 version 2002 : « les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois ».
Neila Jrad
[Cet article a été publié dans Attariq Al Jadid]
Cette recherche a constitué un moment important de la vie de l’AFTURD puisqu’elle a permis à un groupe permanent de chercheurs (res) de différentes disciplines de travailler dans le cadre d’une commission intitulée « Inégalité dans l’héritage ».
Le plaidoyer a été publié quelques mois après le premier tome et développe, en 15 arguments bâtis sur trois axes, socio-économique, juridique et culturel, pourquoi l’inégalité dont sont victimes les femmes dans l’héritage est aujourd’hui irrecevable. Voici, ci-après résumés, les quinze arguments en faveur de l’égalité successorale.
Axe socio-économique
1 La transmission par l’héritage tel que prévue par la loi tunisienne est bâtie sur le modèle traditionnel de la famille patriarcale en déphasage, aujourd’hui, avec les structures actuelles d’une famille moderne de type conjugal.
2 les femmes participent par leur travail à la prise en charge familiale dont elles assument une part importante (exemple : participation à l’acquisition d’un logement). Il serait donc juste qu’elles héritent au même titre que les hommes.
3 l’inégalité successorale est un handicap social et un facteur aggravant de la précarité économique et de la vulnérabilité des femmes. Lutter contre la pauvreté, c’est lutter contre les législations patrimoniales discriminatoires.
4 les femmes sont capables de développer comme les hommes leur esprit d’initiative et d’entreprise. Ce potentiel doit être confirmé par une législation non discriminante.
5 la réalité est, sur cette question de l’héritage, en avance sur les lois. Aujourd’hui, des stratégies de contournement sont souvent adoptées pour garantir un partage non discriminatoire pour tous ceux qui adhèrent aux valeurs égalitaires.
Axe Juridique
6 l’inégalité successorale est contraire aux principes fondamentaux de l’ordre juridique tunisien, principes, inscrits dans la Constitution, d’égalité des citoyens et de liberté religieuse qui invalident les inégalités successorales.
7 l’inégalité successorale est contraire aux traités ratifiés par la Tunisie. Les Conventions Internationales ratifiées par l’Etat constituent des normes qu’il reçoit dans son ordre interne.
8 l’inégalité successorale est contraire à l’esprit libéral du législateur tunisien qui a produit le CSP dans un esprit d’innovation.
9 L’inégalité successorale est contraire aux récentes évolutions jurisprudentielles : la jurisprudence des tribunaux est de plus en plus favorable à l’égalité et à la non discrimination.
10 l’inégalité successorale est perturbatrice des relations sociales alors que la règle de droit doit assurer son équilibre : être poussé à adopter des stratégies de contournement est préjudiciable à la cohérence de l’ordre juridique mais aussi à sa capacité de réguler les rapports sociaux.
Axe culturel
11 les travaux d’anthropologie historique montrent que le régime successoral trouve son principe de cohérence dans l’ancien ordre tribal de l’Arabie préislamique. Plus rien ne le justifie donc aujourd’hui.
12 l’existence de tous temps de pratiques dérogatoires à l’obligation religieuse d’attribuer une part de l’héritage aux femmes est attestée par de nombreux travaux d’historiens. Ces procédés de contournement ont pris la forme de donations, legs et habous pour exclure les femmes de l’héritage.
13 En Tunisie, les « hiyals » (subterfuges légaux ) ont existé ; le système des habous a constitué le plus grand moyen d’éviction des femmes de la propriété foncière et cela n’a pas choqué la conscience musulmane.
14 la pensée réformiste et Tahar Haddad ont critiqué l’inégalité successorale à partir d’une lecture moderne des textes religieux.
15 les pratiques inégalitaires existent encore en Tunisie. Les enquêtes sociologiques révèlent que la question successorale participe à d’autres réflexes que religieux.
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Constitution Tunisienne – 1er Juin 1959
Article 6 : « Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi ».
Article 32 paragr. 3 version 2002 : « les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois ».
Neila Jrad
[Cet article a été publié dans Attariq Al Jadid]
1 commentaire:
Merci beaucoup et ya3tik essah pour avoir publié cet article. Espérant le. D'autres loies doivent être aussi revues concernant le mariage mixte. Le tunisien et la tunisienne ne sont pas égaux face á ces loies.
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