mardi 23 juin 2009

Enfidha : Un boom régional en perspective mais…

Il y a parfois des situations géographiques qui suffisent à révolutionner le devenir de certaines zones qui voyaient s’écouler le temps dans la plus totale des quiétudes. C’est souvent le transport, véritable colonne vertébrale des économies modernes qui en est la cause directe. C’est le cas de la sympathique bourgade d’Enfidha qui se prépare à vivre une évolution considérable, peut-être même à devenir le point névralgique et incontournable de nos futures avancées économiques.

Située dans le gouvernorat de Sousse, à proximité de Nabeul d’un côté et de Kairouan de l’autre, elle a l’avantage de se trouver sur ces axes de communication Nord-Sud vitaux que sont la GP1, le chemin de fer et l’autoroute, et est de plus située en bord de mer.

Plaine agricole fertile et prospère, elle fut exploitée dès l’antiquité par les romains. Plus récemment, les beys Ottomans s’y taillèrent un immense domaine de plus de 100.000 H, ce qui lui donna le surnom de « Dar El Bey ». Puis dès la colonisation elle tomba entre les mains des Français jusqu’à l’indépendance et la récupération des terres agricoles par l’O.T.D. Paisible bourgade de 12000 habitants, elle vit modestement de l’agriculture et de quelques industries locales dont une cimenterie.

Ces dernières années, le miracle s’est produit. Plusieurs mégaprojets devant en faire un pôle de développement de premier plan intégré et complémentaire sont décidés et sont même entrés en réalisation, dont le plus grand aéroport et le plus important port en eaux profondes du pays.

JustifierL’aéroport
Le 24 Juillet 2007, le président de la république lançait les travaux de l’aéroport international d’Enfidha. C’est la société turque T.A.V qui en a obtenu la concession, ainsi d’ailleurs que celui de Monastir. Cet aéroport aura comme capacité initiale l’accueil de 4.5 millions de passagers, principalement des touristes, étant située à proximité de la zone touristique Hammamet – Sousse. L’entrée en fonction est prévue pour la fin 2009. Bien sûr, des extensions sont prévues par étapes, de l’ordre de 7 millions de passagers dans un premier temps. Mais le plus intéressant, c’est que la société turque, qui gère d’ailleurs d’autres aéroports dans le monde, a conscience de l’ouverture internationale des cieux, du développement du transport aérien et de la saturation d’aéroports européens pas très éloignés. L’objectif est donc d’en faire un « HUB », une plaque tournante entre l’Europe et l’Afrique, ce qui augure d’un bel avenir et d’une réussite certaine pour cette réalisation.

L’impact économique et social de ce projet est sans doute énorme. Exportations, échanges, tourisme, services ne pourront qu’en profiter, permettant la création de milliers d’emplois directs et indirects. On parle de 2500 emplois permanents rien que pour l’aéroport. Des retombées indirectes, telles que le désenclavage de certaines régions du Centre Ouest jusqu’à Kasserine et Sidi Bouzid ne sont pas non plus négligeables.

Le port en eaux profondes
La nature a doté cette région d’une côte permettant la réalisation d’un port en eaux profondes en plein centre du pays et de la Méditerranée. Envisagé à proximité de l’aéroport, de l’autoroute et du chemin de fer, ce port pourra disposer de pas moins de 3000H de terrains disponibles ! L’appel d’offres consiste en l’édification d’un site de nouvelle génération doté des infrastructures les plus modernes dans le domaine du transport maritime, particulièrement les porte-conteneurs de nouvelle génération. Le constat de l’insuffisance des capacités portuaires méditerranéennes en la matière a été dressé, et le projet a été conçu pour en faire un « HUB » commercial de premier plan. Avec les 3000H disponibles et les orientations prévues, les chances de réussite semblent assurées.

Mais là ne s’arrêtent pas les bonheurs qui pleuvent sur notre bourgade. En effet, des investisseurs du Golfe se bousculent pour édifier une nouvelle station touristique s’étendant sur 1200H à Hergla avec marina, golf, résidences et tout ce qui en suit. Connaissant la splendeur de ces plages et la maîtrise des gens du lieu dans le domaine du tourisme, la réussite du projet n’est pas à mettre en doute.

Et, pour couronner le tout, une zone franche d’activités industrielles s’est établie dans le village, sur une cinquantaine d’hectares pour commencer, sous l’égide d’une société Italienne qui a déjà réalisé les travaux de génie civil, alors qu’une autre société offshore, Développement Industriel Enfidha Tunisie ( DIET ) gère déjà le site qui présage d’une réussite exceptionnelle. Plasturgie, agro-industries, confection, emballages … les investisseurs affluent et se pressent, attendant avec impatience l’ouverture du port et de l’aéroport.

Ce qui arrive à Enfidha relève du rêve et il est à souhaiter que d’autres lieux le vivent aussi. Néanmoins toute médaille a son revers. La petite bourgade tranquille d’une dizaine de milliers d’habitants va brusquement se nuer en une métropole de centaines de milliers d’habitants. Une brusque et énorme urbanisation qui risque, si l’on n’y prend pas garde, de transformer une région rupestre et idyllique, véritable trésor de nos faunes et flores en un enfer pollué et invivable. Il est à espérer que la méticulosité et la profondeur avec lesquelles ont été étudiés ces projets du point de vue technique et économique n’ont pas dédaigné l’aspect humain et écologique d’une des régions les plus intéressantes de notre pays dans ce domaine.

Un énorme port avoisinant un énorme aéroport avec d’innombrables entreprises tout autour peuvent coûter très cher en termes de qualité de vie et d’équilibres terrestres, aériens et marins, et oblitérer gravement l’avenir.

En fait très peu, trop peu d’informations ont été communiquées sur ce sujet et il est temps qu’en tant que citoyens concernés par un développement durable et harmonieux, nous soyons tenus au courant de tout ce qui est supposé avoir été fait pour la sauvegarde de ce joyau de la nature qu’est Enfidha et sa région, auxquels nous souhaitons non seulement le bonheur économique, mais aussi humain et environnemental.

Khaled Chebil

1 commentaire:

Hamadi a dit…

La beurre et l'argent de la beurre, c'est un peu difficile aujourd'hui. Toute accélération brusque du développement économique d'un zone s'accompagne obligatoirement par une détérioration de son environnement écologique.
C'est dur d'avoir une zone industrielle et un aéroport sans avoir une pollution dans l'air et c'est impossible d'avoir un port en eau profonde sans avoir une pollution de la mer.
En tout cas, je ne vois pas comment?