samedi 19 mars 2011

N'ayons pas peur!


Aujourd’hui, la révolution tunisienne fait l’admiration des peuples du monde entier. Et si elle suscite un énorme espoir, ce n’est pas uniquement en raison du courage du peuple tunisien, mais aussi parce que la singularité qui a pu lui être reprochée est ce qui précisément fait son authenticité. Nulle figure charismatique, nulle idéologie ne l’a dominée. Elle n’a de figure que celle, anonyme, des laissés pour compte, les mêmes dans tous les pays, qui ont osé braver la terreur du despotisme.
Plus encore, le sacrifice de Bouazizi, qui a retourné sa révolte contre lui-même, est en soi un message de non-violence. L’élan qui s’en est suivi a aussitôt résumé les revendications en un slogan simple et audible par tous : travail, dignité, liberté. Ceci n’est autre que la revendication d’une citoyenneté pleine et entière. Non-violence et citoyenneté, tels sont donc nos mots d’ordre. A nous, à présent, d’en être dignes et de poursuivre le combat avec ces mots d’ordre pour seule boussole.
La deuxième phase de notre révolution est cependant plus délicate, et demande à présent de la lucidité et de la patience.
Pour cette raison, à la déflagration salutaire doit succéder la discipline, tout aussi salutaire. Non pas la discipline des soumis, mais celle de l’homme libre et déterminé.
Patience mes amis, patience et, osons le proclamer, confiance.
L’heure n’est plus à la révolte spontanée, et encore moins aux rodomontades. Certes, la pression ne doit pas se relâcher, mais le monde nous regarde, soyons à la hauteur de la situation. Elle requiert la vigilance la plus déterminée, mais surtout l’endurance. Oui, si nous sommes réellement convaincus que l’énergie libérée par cette révolte est inextinguible, alors nous ne devons pas avoir peur. Car, vouloir tout, séance tenante, traduit la peur du spectre de Ben Ali. Le vrai courage consiste au contraire à faire preuve d’endurance, et donc de patience.
Disons-le haut et fort : il n’y aura nul compromis avec le passé. Mais chaque chose en son temps. Six mois pour remettre en branle un pays complètement neuf, ce n’est pas si long, et ce sera déjà extraordinaire si nous y parvenons. Nous avons donc besoin, non de précipitation et de règlements de compte intempestifs, mais d’une démarche ordonnée et méthodique, et cela afin de parer au risque de l’anarchie. C’est, plus que tout autre chose, cette endurance qui nous rendra dignes du sacrifice de Bouazizi et tous ceux qui sont tombés.
Slim Ben Cheikh (édito Attariq Aljadid, n°216)

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