A l’approche des grandes échéances électorales, la communication publique - officielle - se déploie dans tous les sens, et il lui arrive parfois de manquer de discernement, de retenue et de bon sens.
La semaine dernière, une ONG basée en Irlande, nous dit-on, nous gratifie d’un rapport et surtout, d’un classement, qui débordent d’éloges et de compliments à l’égard de ce pays «où il fait bon vivre» ! On apprendة par les médias officiels, que notre pays est classé «en tête des pays arabes» pour «sa qualité de vie», et que neuf critères ont été choisis pour dresser cette lumineuse taxinomie : «le coût de la vie», «l’offre culturelle et de loisirs», «l’économie», «la santé», «la sécurité» et…… «les libertés» (sic) ! Bien évidemment, on ne saura jamais les termes du protocole de cette étude, ni ses tenants et ses aboutissants, ni si tous les Tunisiens avaient été interrogés et surtout, comment ils l’auraient été ?... Et après tout…!
Le plus cocasse dans cette histoire, c’est que tous les grands médias ont été convoqués à la célébration de cet évènement en pavoisant sous toutes les coutures : des manchettes aux titres dithyrambiques ornent la Une des grands quotidiens, des stations de radio sollicitent les avis des «grands experts», et notre chaîne nationale de télévision s’offre même «le luxe» de louer des canaux satellitaires pour interviewer experts et universitaires arabes basés au Caire, à Beyrouth et même aux USA ! Evidemment, tous félicitent à cœur joie nos gouvernants pour ces performances «jamais atteintes dans aucun pays arabe». A écouter nos médias, à lire nos journalistes, à scruter les propos des experts et universitaires devenus orfèvres en la matière, on a l’impression que le Tunisien ne réalise pas son bonheur et sa chance de vivre dans ce pays !
A force d’entendre ressasser ce discours mirifique, on est amené à nous demander si ce pays dans lequel nous vivons ne s’est pas subitement métamorphosé à notre insu. Que les dizaines de jeunes désœuvrés qui se lancent dans l’aventure de l’immigration clandestine pour atteindre les côtes européennes au risque de leur vie, ne sont que mensonge et supercherie. Que les événements sociaux qui ont secoué les régions du bassin minier du Sud-Ouest du pays ainsi que le malaise social qui s’empare de plusieurs catégories de travailleurs ne sont que fumisteries ou épiphénomènes…. Et pour puiser encore plus dans les sources de l’imagination fertile des laudateurs de tous poils, pourquoi ne pas imaginer aussi que notre pays s’est mué en un havre de paix et de liberté où tous les démocrates et militants persécutés arabes trouvent - paisiblement - refuge ! Que des milliers de boat people venus des différents pays arabes débarquent - clandestinement - sur nos côtes, en quête d’un mieux-être dans «ce pays où il fait bon vivre», … Sur cette lancée, on peut aller encore plus loin, s’il le faut, au risque de nous fondre dans le ridicule et le burlesque.
En tout cas, si l’on se découvre une exaltation pour les classements de ce genre, je propose aussi que nos médias et nos experts patentés plongent leur regard adulé dans le dernier rapport 2008 de Reporters Sans Frontières (RSF) sur l’état de la liberté de la presse dans le monde, ou dans celui du Pnud à propos du développement humain dans le monde arabe, ou encore, dans celui de Transparency International qui dresse chaque année un état de la corruption dans le monde… On constatera ainsi que le tableau qui y est esquissé est plus nuancé.
Larbi Chouikha
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